RAPPORT MORAL ET D’ACTIVITÉ POUR 2020

présenté à l’assemblée générale du 25 novembre 2021 à Paris-8e par le président de l’ANPROMEVO (et adopté à l’unanimité des adhérents présents ou représentés)

RELEVÉ D’ACTIVITÉ POUR L’ANNÉE 2020

1ER JANVIER 2020

Décès à Paris-15e, après deux lourdes interventions chirurgicales et une hospitalisation de plusieurs mois à La Pitié-Salpêtrière, de M. Pierre Merciecca, ancien président (de 2005 à 2017) du comité du 15e arrondissement de Paris de la FNACA et rédacteur de la page « Paris » de L’Ancien d’Algérie.

Pierre était né à Alger le 18 août 1933. À l’issue de ses études secondaires au lycée Émile-Félix Gautier, il s’est inscrit à la Faculté de médecine dentaire et a connu le début de la guerre d’Algérie alors qu’il se trouvait à l’hôpital Mustapha.

Il avait donné son adhésion à l’ANPROMEVO en 2015.

Son inhumation a eu lieu le 10 janvier au cimetière parisien du Montparnasse.

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3 JANVIER 2020

 ANPROMEVO – MESSAGE DE VŒUX POUR 2020

Madame, Monsieur,

Dans sa dernière scène, le film de guerre fantastique russe intitulé « White Tiger » – dont l’action se situe à l’été 1943 – prête à Hitler le propos suivant :

« Tant que la terre tournera autour du soleil, tant qu’existeront le froid et la chaleur, l’ombre et la lumière, il y aura toujours un combat. Et un combat entre les hommes et le peuple. Si les hommes vivaient au paradis, ils y moisiraient. C’est grâce au combat que l’humanité est devenue ce qu’elle est. La guerre est une chose normale et naturelle : elle est présente partout, en permanence. Elle n’a ni début ni fin : elle est éternelle ! La guerre est l’essence même de la vie. La guerre, c’est le point de départ ! »

Voilà qui prend une résonance particulière avec l’actualité internationale du jour ainsi qu’avec l’histoire (franco-française, celle-ci) de ce 3 janvier, qui vit, il y a cinquante-huit ans, un responsable des services de l’Enregistrement en poste à Alençon, M. Alfred Pierre Locussol, tomber, à son domicile, sous les coups mortels d’un mercenaire de l’OAS et de son complice, tous deux venus d’Alger.

Une victime parmi quelque 2 700 autres, dont le souvenir a été solennellement honoré par deux fois : le 6 octobre 2012, par le député-maire d’Alençon puis, le 6 octobre 2019, par son successeur à la tête de la municipalité. Soyez une fois de plus chaleureusement remerciés, Messieurs Joaquim Pueyo et Emmanuel Darcissac, et que le comité informel de la mémoire d’Alfred Locussol trouve ici le témoignage de notre amicale gratitude à l’égard de ses cherchants, passionnés par l’histoire de cette personnalité.

Une personnalité qui nous invite à réfléchir sur la communauté de destin que forment les victimes de l’OAS : une communauté de destin d’où est née, en 2006, avec l’ANPROMEVO, une communauté d’actions contre l’oubli officiel, celui de l’État ; un État dont les administrations centrales et établissements publics en charge de la mémoire et du monde combattant s’obstinent à ignorer les ayants droit à la qualité de Mort pour la France, mais un État qui s’emploie à distinguer, dans les grades les plus élevés, tel frère, neveu ou nièce du putschiste Denoix de Saint Marc (Marie, Joseph, Elie), comme cela vient d’être le cas au titre du contingent du 1er janvier 2020 de la Légion d’honneur avec la promotion de Marie-Josèphe Denoix de Saint Marc, épouse Beccaria.

L‘expression « devoir de mémoire » traverse des allocutions de haut niveau, volontiers sentencieuses, et s’étend aux déclarations les plus modestes. Elle se banalise au point de perdre sens et essence.

Pour nous, le devoir de mémoire est recherche, combat, quête, espoir de livrer des personnes à une juste postérité, bien loin de la valorisation d’actes criminels et d’attentats terroristes que les cours et tribunaux français surent sanctionner à l’époque.

« Leur rêve n’allait pas au-delà de leur vie », écrit Anatole France dans Le lys rouge, ceux qui, « ne connaissant point le passé, ne concevaient point l’avenir ».

J’ai du respect pour le symbole commémoratif de la Première Guerre mondiale, le Bleuet de France, arboré lors des cérémonies du souvenir de la guerre d’Algérie et d’hommage à certaines de ses victimes civiles et militaires : je ne le porte pas pour le moment, lui préférant le lys rouge.

Agissons ensemble pour que 2020 ne soit pas une année vaine.-

Que les politiques mémorielles de l’État central s’inspirent des initiatives de collectivités territoriales aussi diverses que Paris, Alençon, Le Touvet et cessent d’ostraciser les victimes de l’OAS.

Que la paix – la paix en mouvement – prospère !

Recevez, Madame, Monsieur, et acceptez mes vœux les plus fraternels.

Jean-François Gavoury
Président de l’Association nationale pour la protection
de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO)


5 JANVIER 2020

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Alençon : Hommage à Alfred Locussol, 58 ans après son assassinat

Dimanche 5 janvier, une trentaine de personnes ont rendu hommage au militant communiste assassiné en 1962 à Alençon par un partisan de l’Algérie française.

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Trente personnes ont rendu hommage à Alfred Locussol, dimanche 5 janvier à Alençon. Ouest-France François BOSCHER. Publié le 05/01/2020 à 20h00

Alfred Locussol, militant du parti communiste algérien, arrêté pour avoir participé à l’impression de son journal clandestin, Liberté, avait été condamné à un an de prison avec sursis, puis muté d’office en 1956 à Alençon. Le 3 janvier 1962, il y a été assassiné par l’OAS.

En 2012, une plaque commémorative a été apposée sur le lieu du crime, près de la gare. Elle avait été dégradée à six reprises, avant d’être déplacée le 6 octobre 2019, dans le périmètre de caméra de vidéoprotection.

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La stèle en hommage au militant communiste tué en 1962 à Alençon. | OUEST-France


27 JANVIER 2020

Dans la perspective de la célébration, le 8 février, du 58e anniversaire de « Charonne », le président de l’ANPROMEVO s’adresse aux adhérents par courriel reproduit ci-dessous :

À l’intention plus particulière de celles et ceux d’entre vous qui résident en Ile-de-France,  j’ai le plaisir d’adresser :

– en pièce jointe, le tract d’appel à la commémoration, le 8 février 2020, des événements survenus au Métro Charonne cinquante-huit ans plus tôt ;

– ci-après, la retranscription de cet appel émanant du Comité Vérité et justice pour Charonne et auquel l’ANPROMEVO s’associe conformément à un rituel amical et solidaire désormais éprouvé.

Dans le même temps, je me vois dans l’obligation de vous faire part de l’incapacité dans laquelle je me trouverai, personnellement, d’honorer ce rendez-vous […].

Cette année comme les précédentes, je sais pouvoir compter sur la représentation de notre association à cet événement mémoriel auquel les services de l’État prendront part avant longtemps, conscients, enfin, que la puissance publique est soumise au droit ainsi, un jour ou l’autre, qu’à une relecture apaisée et objective de l’histoire mouvementée de nos institutions régaliennes.

Jean-François Gavoury

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LE 8 FÉVRIER 2020

TRACT COMITÉ CHARONNE – COMMÉMORATION DU 8 FÉVRIER 1962

– Retranscription –

8 février 1962 – 8 février 2020
Pour la reconnaissance du crime d’État à Charonne !

L’extrême droite, la droite, les ultras de “l’Algérie française“ poursuivent leurs actions de réhabilitation de ceux qui ont été condamnés par la justice. Des stèles et monuments sont érigés à leur gloire.

Certains ont été réintégrés et distingués dans l’armée. Tel l’officier félon Hélie Denoix de Saint-Marc qui participa au putsch d’Alger en avril 1961 (avec les ex-généraux Salan, Zeller, Jouhaud, Challe) et dont la nièce vient d’être promue à la distinction de commandeur de la Légion d’honneur : un relent de nostalgie de la colonisation !

Les ultras de l’Algérie française et de l’extrême droite de Le Pen s’opposaient au droit à l’indépendance de l’Algérie. En janvier 1961, ils créèrent l’OAS (Organisation Armée Secrète) qui fit des milliers de victimes en France et en Algérie. Ils voulaient mettre fin au gouvernement de la France et instaurer un gouvernement d’ultra-droite dans notre pays.

L’opposition grandissante à la guerre d’Algérie s’exprimait par de nombreuses manifestations qui étaient réprimées par l’État.

Deux ont particulièrement marqué cette période, celle des Algériens le 17 octobre 1961 et celle du 8 février 1962.

Le Président de la République refuse toujours de reconnaître les crimes d’état commis pendant la guerre d’Algérie.

Il aura fallu 62 ans pour que soit reconnue la responsabilité de l’État dans l’assassinat sous la torture du mathématicien communiste Maurice Audin par des responsables de l’armée française.

Le crime d’état doit être reconnu pour les neuf morts du métro « Charonne ».

 


SAMEDI 8  FÉVRIER2020

58e anniversaire
Hommage aux neuf victimes de la répression sauvage du 8 février 1962 lors de la manifestation contre l’OAS et pour la paix en Algérie.

11h30 : Métro Charonne – Place du 8 février 1962 :  Dépôt de gerbes auprès des plaques dans le métro avec prise de parole de Bertrand Hammache, Secrétaire Général de la CGT Ratp, d’Éliane Assassi – Sénatrice – Présidente du groupe CRCE au Sénat, de Yann Garroui – Secrétaire de l’Union Régionale CGT Île-de-France, sous la présidence du Comité Charonne.

13h00 :  Cimetière du Père Lachaise : Dépôt de gerbes.

*

1961-1962
Depuis des mois, les tueurs de l’O.A.S. frappent en toute impunité, multipliant les attentats, entretenant un climat de peur, de violence. Les manifestations sont interdites, on tente de museler la presse progressiste, on porte atteinte au droit de réunion, de grève, la répression policière est féroce.

17 octobre 1961
Le 17 octobre 1961, à la suite d’une manifestation, plus de 100 travailleurs algériens sont assassinés à Paris et en banlieue.

7 février 1962
A Paris, en plein après-midi, dix nouveaux attentats secouent la capitale. Sont visés des personnalités politiques, des journalistes, des écrivains, des universitaires. Les Unions Départementales CGT de la Seine et Seine-et-Oise décident le soir même de riposter et provoquent une réunion de toutes les organisations syndicales, politiques, étudiantes désireuses de s’opposer au fascisme de l’OAS. Les organisations parisiennes du PCF, de la CFTC, de l’UNEF, du SNI et de la FEN de Seine et Oise, du SGEN, du PSU, la jeunesse Communiste, la jeunesse Socialiste Unifiée et le Mouvement de la Paix décident d’une manifestation pour le lendemain 8 février à 18h30 – Place de la Bastille.

8 février 1962
60.000 manifestants en plusieurs cortèges calmes et pacifiques défilent autour de la Bastille. Alors que la dislocation est annoncée, des brigades spéciales d’intervention chargent sans motif avec une brutalité et une sauvagerie inouïes le cortège du Boulevard Voltaire à la hauteur du métro Charonne. Des centaines de manifestants sont sauvagement matraqués, jetés à terre, refoulés dans la bouche de métro. Sur la foule entassée, les policiers jettent des grilles d’arbres en fonte, les manifestants sont pourchassés jusque dans les couloirs d’immeubles, les cafés. Tard dans la soirée on apprend qu’il y a des morts. 8 dont 3 femmes et un adolescent de 15 ans, 250 blessés dont une centaine grièvement atteints. Un mois et demi après succombe à ses blessures une 9ème victime.

9 février 1962
La CGT riposte au drame de Charonne et lance un appel à la grève nationale. Les 10, 11, 12 des actions, des protestations se multiplient. Toutes les organisations syndicales décident de faire du 13, jour d’obsèques, une journée nationale de grève et de manifestations.

13 février 1962
En Région parisienne, toute activité est interrompue, un million de personnes rendent hommage aux victimes, dans une grande et imposante manifestation de la place de la République au cimetière du Père Lachaise. Ils avaient pensé briser la volonté des travailleurs par le meurtre et c’est tout un peuple qui se dresse. C’est un solennel et ferme avertissement.

Les martyrs de Charonne ne sont pas morts en vain.

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8-10 FÉVRIER 2020

Les victimes de l’OAS, des gens qui ne sont rien ?

 Par courriel du 8 février reproduit ci-après, le président de l’ANPROMEVO s’adresse à Mme Valérie Boyer, députée (LR) des Bouches-du-Rhône, auteure en mai 2018 d’une question écrite ayant retenu son attention et dont la réponse, émanant quatre mois plus tard de la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, peut donner à espérer la reconnaissance des droits des victimes civiles et militaires de l’OAS au statut de « Mort pour la France ».

Madame la députée,
la question écrite dont vous avez saisi la ministre des armées le 15 mai 2018, relative au régime d’indemnisation des victimes civiles de la guerre d’Algérie (cf. annexe I ci-après), n’a pas manqué de susciter mon intérêt.

De la réponse que vous avez obtenue à la date du 11 septembre (!), il s’induit que les victimes de l’OAS, dont l’association que je préside a pour objet de défendre les intérêts et la mémoire, doivent désormais s’entendre éligibles à la mention « Mort pour la France », alors même que les services centraux et l’office national des anciens combattants en ont omis ou refusé l’apposition sur l’acte de décès non seulement des victimes civiles mais aussi d’un certain nombre de militaires ou membres de forces de l’ordre ayants droit : en effet, les dispositions de l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, dans sa rédaction résultant de l’article 49 de la loi de programmation militaire
n° 2018-607 du 13 juillet 2018, accordent le bénéfice de pensions de victimes civiles de guerre aux personnes de nationalité française ou étrangère ayant subi des dommages physiques du fait d’attentats ou d’actes de violence en relation avec la guerre d’Algérie, à la condition que ces personnes n’aient pas appartenu à des groupes insurgés et participé directement ou indirectement à l’organisation ou à l’exécution d’actes terroristes, ce qui exclut notamment les membres de l’OAS.

Or, la directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), Mme Véronique Peaucelle-Delelis, semble bien ne pas avoir accordé la moindre attention à une liste que je lui ai adressée, le 6 novembre dernier, de victimes tant civiles que militaires de l’OAS dont l’acte de décès a été dûment revêtu, à l’époque, de la mention « Mort pour la France » ou auxquelles, au contraire, cette qualité n’a pas été attribuée alors qu’elles y étaient admissibles ou viennent de le devenir.

Cette attitude troublante est à l’origine de mon message (cf. infra, annexe II) intitulé « Les victimes de l’OAS, des gens qui ne sont rien ? ». Connaissant votre attachement aux victimes innocentes de crimes de guerre, attentats terroristes et mouvements insurrectionnels ou séditieux, je doute que vous soyez insensible à sa teneur.

C’est pourquoi je vous serais obligé de votre intervention tendant à ce que les personnes tombées sous les coups du fanatisme belligérant de l’OAS accèdent à la reconnaissance par l’État de leur statut de victimes de la guerre d’Algérie et de « Morts pour la France ».

Je vous prie d’agréer, Madame la députée, […]

A N N E X E   I

Question écrite N° 8250 de Mme Valérie Boyer (Les Républicains – Bouches-du-Rhône)

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Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées (Mme la SE auprès de la ministre)
Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre
Titre > Régime d’indemnisation pour les victimes civiles
Question publiée au JO le : 15/05/2018 page : 3972
Réponse publiée au JO le : 11/09/2018 page : 8010
Date de changement d’attribution : 22/05/2018

Texte de la question

Mme Valérie Boyer attire l’attention de Mme la ministre des armées sur la décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018 par laquelle le Conseil Constitutionnel a jugé applicable aux étrangers l’article 3 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 instaurant un régime d’indemnisation pour les victimes civiles de dommages physiques subis au cours de la guerre d’Algérie, du fait d’attentats ou de tout autre acte de violence. La juridiction constitutionnelle a souligné qu’il s’agissait de l’indemnisation de « dommages qui se sont produits sur un territoire français à l’époque » (paragraphe 5 de la décision). Dès lors a poursuivi cette juridiction, le législateur ne pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité, établir, au regard de l’objet de la loi, une différence entre les victimes selon leur nationalité. Cette décision s’impose aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Certains commentateurs ont déduit de la même décision que les personnes susceptibles de solliciter la pension de victime civile de la guerre d’Algérie peuvent avoir souffert aussi bien de l’armée française que du FLN ou de l’OAS. Or il ressort des termes de la loi et de ses travaux préparatoires que l’objet de ce texte est d’indemniser les personnes ou leurs ayants-cause qui ont eu à souffrir de violences terroristes commises par des groupes insurgés et non par des agents des autorités légales du moment dans le cadre de leur mission constitutionnelle du maintien de l’ordre public dans des départements français. Elle lui demande de préciser l’opinion du Gouvernement sur cette question et de démentir l’intention qui lui est prêtée d’élargir le champ de la loi à des dommages dont l’origine ne serait pas conforme à la lettre et l’esprit du texte initial.

Texte de la réponse

Dans sa rédaction résultant de la loi n° 64-1330 du 26 décembre 1964 portant prise en charge et revalorisation de droits et avantages sociaux consentis à des Français ayant résidé en Algérie, l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 de finances rectificative pour 1963 prévoyait un droit à pension en faveur des personnes de nationalité française, ayant subi en Algérie depuis le 31 octobre 1954 et jusqu’au 29 septembre 1962 des dommages physiques du fait d’attentat ou de tout autre acte de violence en relation avec les événements survenus sur ce territoire, ainsi que des ayants cause de nationalité française de ces personnes. Il est souligné que les dispositions de l’article 13 de la loi du 31 juillet 1963 ont été reprises, notamment, par l’article L. 113-6 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). Dans sa décision n° 2017-690 QPC du 8 février 2018, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la condition de nationalité française mentionnée à l’article 13 de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963 précitée. Le droit à indemnisation sur le fondement de l’article L. 113-6 du CPMIVG a en conséquence été étendu aux personnes ne possédant pas la nationalité française. Il convient d’observer que dans le cadre de la loi n° 63-778 du 31 juillet 1963, le législateur a souhaité indemniser les victimes civiles de dommages subis, à l’époque, sur le sol français. Il n’a en aucune façon prévu d’instaurer un traitement différent des demandes reçues selon que le dommage avait été causé ou non par une autorité légale. La jurisprudence telle qu’elle résulte des décisions prises en la matière par le Conseil constitutionnel et par le Conseil d’État a de plus conduit à ne pas opérer une telle distinction au niveau des circonstances des faits. Toutes les personnes ayant eu à souffrir d’un dommage imputable à la guerre d’Algérie, y compris lorsque celui-ci a été provoqué par une autorité légale, ont donc pu dans ces conditions solliciter une pension sur le fondement de l’article L. 113-6 du CPMIVG. Il est néanmoins rappelé qu’ont été exclues du droit à indemnisation les personnes ayant participé directement ou indirectement à l’organisation ou à l’exécution d’attentats ou d’autres actes de violence en relation avec les événements survenus en Algérie, ainsi que leurs ayants cause. Enfin, il est précisé que la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (LPM) exclut le cumul de la pension considérée avec toute autre indemnisation à raison des mêmes dommages et met un terme à la possibilité de présenter de nouvelles demandes de pension au titre de l’article L. 113-6 du CPMIVG à compter de la publication de la LPM (14 juillet 2018).

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Les victimes de l’OAS, des gens qui ne sont rien ?

Sur la foi d’un avis d’assemblée générale du Conseil d’État en date du 13 février 2003, les victimes civiles de l’Organisation armée secrète ont été durablement tenues pour inéligibles au bénéfice de la mention « Mort pour la France » au prétexte que l’OAS n’était pas partie belligérante engagée dans la guerre d’Algérie.

Il s’agissait, non d’une décision juridictionnelle, mais d’un avis consultatif présentant les caractéristiques suivantes :

– signé par le vice-président du Conseil d’État de l’époque (M. Renaud Denoix de Saint Marc) ;

– rendu sur saisine, en 2002, du secrétaire d’État aux anciens combattants (M. Hamlaoui Mekachera) ;

– non publié ;

– destiné à l’autorité ayant estimé opportun de le consulter.

Le Gouvernement dispose en effet de la faculté de soumettre au Conseil d’État une question qui pose un problème juridique particulier afin qu’il l’éclaire.

La position du CE était inintelligible : elle s’appuyait sur le fait que l’OAS ne pouvait être regardée comme un belligérant engagé dans le conflit en question, alors même que des décisions administratives avaient conduit, dès 1961, à l’apposition de la mention « Mort pour la France » sur les actes de décès de maintes victimes, tant civiles que militaires, de l’OAS.

La position du CE s’est révélée discriminatoire, puisqu’aucune modalité alternative de reconnaissance n’est venue, ultérieurement, s’appliquer à elles :

– ni l’attribution du statut de « Mort pour le service de la Nation », instituée à l’origine par l’article 12 de la loi n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme dont la rétroactivité, en soi dérogatoire, ne s’est pas étendue en deçà du 1er janvier 2002 ;

– ni celle de la qualité de « Victime du terrorisme », prévue par le même texte ;

– ni l’attribution de la « Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme », destinée à manifester l’hommage de la Nation aux victimes d’actes terroristes commis sur le territoire national ou à l’étranger, créée par le décret n° 2016-949 du 12 juillet 2016 mais concernant les actes terroristes commis après le 1er janvier 1974.

Face à une construction juridique aussi alambiquée, on était fondé à se demander si ses auteurs ne s’étaient pas ingéniés à écarter les victimes de l’OAS de toute forme de considération officielle, donnant ainsi matière en même temps qu’éléments de réponse à l’interrogation formulée en titre de la présente note.

Mais l’édifice s’est fragilisé : à titre d’exemple, en 2015 (le 26 août), M. Jean Bianconi, assassiné par l’OAS le 4 février 1962 à Alger (El Biar), a été reconnu « Mort pour la France » par les services de l’ONAC de Caen avec le statut de victime civile.

Par ailleurs et surtout, l’article 49 de la loi du 13 juillet 2018 – tel que commenté par la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées dans sa réponse du 11 septembre 2018 à la question écrite posée le 15 mai 2018 par Mme Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône, rend la position ancienne du CE définitivement inopposable, aujourd’hui, aux victimes civiles de l’OAS.

Pour conclure, il pourrait s’avérer paradoxalement plus judicieux de revendiquer directement la qualité de « Mort pour la France » pour celles des victimes de l’OAS qui en ont été privées, tant les conditions mises à la délivrance des autres mentions honorifiques les y rendent inéligibles.

*

Deux jours plus tard, le 10 février 2019, dans le prolongement d’une réunion du conseil d’administration de l’association « EGAL » (Espace Guerre d’Algérie), Jean-François Gavoury demande à son vice-président, le contrôleur général des armées Serge Barcellini, par ailleurs président national du Souvenir Français, de bien vouloir soutenir cette démarche.

Les termes de son message, intitulé « Droits des victimes civiles et militaires de l’OAS au statut de Mort pour la France », sont présentés ci-après :

Monsieur le Président,

Mon bien cher Serge,

Un rendez-vous, ce matin même, […] m’a empêché de prendre part aux travaux du conseil d’administration de l’association EGAL.

Je le regrette d’autant plus que j’aurais eu le plaisir de te rencontrer et d’échanger quelques mots avec toi, au moment, notamment, où a été évoquée la question de l’apposition de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès de certaines catégories de victimes de la guerre d’Algérie (nouvellement éligibles ou ayants droit oubliés).

Présent pour sa part à cette réunion, Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons », vient de me préciser que tu étais favorable à l’adoption par EGAL d’une résolution tendant à ce que les six inspecteurs des Centres socio-éducatifs assassinés par l’OAS le 15 mars 1962 à Alger se voient reconnaître cette qualité de « Mort pour la France » en même temps que le malheureux instituteur Guy Monnerot, abattu dans les Aurès le 1er novembre 1954.

À titre personnel, je souscris d’autant plus volontiers à une telle idée qu’à Limoges, sa ville natale, existe une allée Guy Monnerot, parallèle à l’allée Germaine Tillion : quel symbole, quelle illustration de l’objectif de mémoire globale de la guerre d’Algérie porté par EGAL et que d’émouvantes cérémonies en perspective !

Quant à l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO), je puis affirmer qu’elle soutiendra sans réserve un tel projet qui va dans le sens de ses propres positions soumises sans succès, depuis sa création, tant aux services centraux qu’aux établissements en charge des anciens combattants.

J’attire ton attention sur le fait qu’avant-hier, 8 février (une date dans le choix de laquelle le hasard a peu de place !), j’ai adressé le courriel reproduit en pièce jointe à Mme Valérie Boyer, députée (LR) de la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône.

Ma démarche auprès de cette parlementaire m’a été inspirée :

– d’une part, par la réponse que Madame Geneviève Darrieussecq lui a adressée à la suite de sa question écrite du 15 mai 2018 concernant le régime d’indemnisation des victimes civiles de la guerre d’Algérie ;

– d’autre part, par le silence gardé par la directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) après mon intervention du 6 novembre dernier, que je croyais appuyée par M. Éric Lucas, directeur de cabinet de la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, rencontré en l’Hôtel de Brienne le 13 mai 2019.

Je veux croire que mon argumentaire relatif à la double nécessité de régulariser la situation de victimes de l’OAS indûment privées du statut de « Mort pour la France » et d’en accorder le bénéfice à celles qui y sont désormais éligibles saura emporter ta conviction à la fois de président général du Souvenir français et de vice-président d’EGAL.

Reçois, mon bien cher Serge, […].


18 FÉVRIER 2020

L’association EGAL (Espace Guerre d’Algérie) adresse à la directrice générale de l’ONAC-VG le courrier dont le fac-simile est reproduit ci-après :

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Siège : 14 rue Eugène Gibez 75015 Paris
Mél : espaceguerredalgerie@gmail.com

18 février 2020
à Madame Véronique Peaucelle-Delelis
Directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre
Hôtel National des Invalides
129 rue de Grenelle
75700 PARIS 07 SP

Madame la directrice générale,

Le conseil d’administration d’EGAL s’est réuni le 10 février en présence notamment de son vice-président, M. Serge Barcellini, contrôleur général des armées, président général du Souvenir français et de M. Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons ».

À cette occasion, il a été notamment convenu de vous faire part de notre vœu de voir l’État poser, dès cette année, un acte fort entrant en résonance avec les récentes déclarations du Président de la République, pour qui la guerre d’Algérie représente le « défi mémoriel » du quinquennat.

Ce souhait consiste en l’apposition de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès :

– d’une part, des six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs collectivement assassinés par l’OAS le 15 mars 1962 à Alger*, dont le souvenir est porté par l’association Marchand-Feraoun pré-évoquée ;

– d’autre part, du malheureux instituteur Guy Monnerot, l’une des toutes premières victimes civiles de la guerre d’Algérie, abattu dans les Aurès le 1er novembre 1954.

Cette idée a reçu le soutien de M. Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO), qui appartient lui aussi au conseil d’administration, d’EGAL mais n’a pu prendre part à sa dernière réunion. Il y voit, en effet :

– l’illustration de l’objectif de mémoire globale de la guerre d’Algérie poursuivi par EGAL, sachant qu’à Limoges, sa ville natale, existe une allée Guy Monnerot, parallèle à l’allée Germaine Tillion, fondatrice panthéonisée du service des Centres sociaux éducatifs en Algérie ;

– les possibles prémices d’une reconnaissance des droits des victimes civiles et militaires de l’OAS à la qualité de « Mort pour la France », qu’elles aient été exclues à tort de son bénéfice ou qu’elles y soient nouvellement éligibles en application des dispositions de l’article L. 511 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et à la lumière de son article L. 113-6 tel que modifié en dernier lieu par l’article 49 de la loi de programmation militaire n° 2018-607 du 13 juillet 2018.

______________

[*] : Max Marchand – Mouloud Feraoun – Marcel Basset – Robert Eymard – Ali Hammoutene – Salah Ould Aoudia (à la mémoire de qui le ministre de l’éducation nationale et le ministre délégué à l’enseignement professionnel ont dévoilé une plaque commémorative et inauguré une salle de réunion le 12 décembre 2001 au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Rothelin-Charolais 101 rue de Grenelle à Paris-7e).

– les possibles prémices d’une reconnaissance des droits des victimes civiles et militaires de l’OAS à la qualité de « Mort pour la France », qu’elles aient été exclues à tort de son bénéfice ou qu’elles y soient nouvellement éligibles en application des dispositions de l’article L. 511 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et à la lumière de son article L. 113-6 tel que modifié en dernier lieu par l’article 49 de la loi de programmation militaire n° 2018-607 du 13 juillet 2018.

Au regard de ce contexte, je vous serais obligé de bien vouloir faire procéder à la mise en œuvre effective de cette proposition et de me tenir régulièrement informé de l’état de son avancement à la diligence des services placés sous votre autorité.

Veuillez agréer, Madame la directrice générale, avec mes remerciements anticipés, l’expression de ma parfaite considération.

Serge Drouot, Président d’EGAL
2e vice-président du conseil d’administration de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre


12 MARS 2020

Les membres de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (ANPROMEVO) se réunissent en assemblée générale (ordinaire) au siège de l’association « Istina » 45, rue de la Glacière à Paris-13e, sur convocation par courriel et/ou lettre de convocation émanant du président le 16 février 2020.

(mandat).

Plus de 88 p. 100 des adhérents sont présents ou représentés.

En introduction aux travaux, le président, Jean-François Gavoury, s’exprime en ces termes :

Chers adhérent-e-s,

Cette quatorzième assemblée générale de l’ANPROMEVO, dont le COVID-19 a bien failli compromettre la tenue, a finalement lieu, comme prévu, ce jeudi 12 mars après-midi.

Elle se déroule, comme le plus souvent, au 45 rue de la Glacière dans les locaux du Centre Istina, en sa salle Christophe Dumont : sous les auspices – autrement dit – de la vérité et de l’œcuménisme !

Merci d’être physiquement là, dans un espace suffisamment large pour que nous puissions respecter entre nous la distance sanitaire d’un mètre recommandée entre chacune et chacun des participants.

Nous représentons entre un cinquième et un quart des effectifs de l’association, mais les procurations de vote reçues jusqu’à cet instant même nous permettent d’afficher un taux de présents et représentés (88 p. 100) proche de ceux, exceptionnels, atteints à Évian en 2012 et Belfort en 2013 (93 p. 100).

Émanant d’Ile-de-France et surtout de province, ces pouvoirs me sont parvenus accompagnés de messages d’amitié, d’encouragement, de souhaits de travail fructueux. J’ajoute qu’il a été unanimement compris – et même, parfois, apprécié – que je puisse influencer le choix du maintien de notre AG à la date initialement convenue en lien avec l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons ».

Le pré-rapport d’activité pour 2019 et les deux premiers mois de 2020 ainsi que le pré-rapport financier pour 2019 (assorti du budget prévisionnel 2020) vous ont été adressés par courriel le 2 mars.

L’envoi de ces documents avant notre réunion de ce jour a constitué un acte de transparence auquel certain-e-s d’entre vous m’ont dit avoir été sensibles.

Il était surtout destiné à vous permettre :

– de disposer de temps pour le consulter afin de pouvoir en commenter plus efficacement le contenu en séance ;

– de libérer du temps pour débattre aujourd’hui des objectifs pour 2020 et de l’avenir de l’ANPROMEVO.

Que les personnes empêchées de participer reçoivent l’expression de notre sympathie.

Que l’ensemble des victimes civiles et militaires de l’OAS reçoivent à présent l’hommage d’une minute de silence, durant laquelle nous tournerons également nos pensées en direction de celle et de ceux des membres de notre association qui sont décédés au cours des douze mois écoulés : M. Daniel Videlier (21 juin 2019), Mme Andrée Mauviel (11 décembre 2019) et M. Pierre Merciecca (1er janvier 2020).

À l’issue de la minute de silence, il est procédé à l’examen des points inscrits à l’ordre du jour.

Au titre de la reconnaissance des droits des victimes de l’OAS à la qualité de « Mort pour la France », l’ANPROMEVO affiche un objectif que son président tient pour essentiel : la reconnaissance d’une dette juridique et morale à l’égard respectivement des victimes militaires du terrorisme de l’OAS – dont l’acte de décès n’est pas revêtu de la mention « Mort pour la France » (membres des forces de l’ordre singulièrement) – et des victimes civiles de l’organisation, que l’État semble s’ingénier à maintenir dans le statut de laissées-pour-compte de la guerre d’Algérie.

Au sujet de son devenir, l’ANPROMEVO reconnaît une fois de plus sa vulnérabilité liée aux nombreux décès survenus en son sein depuis sa création en 2006 et à l’actuel état de santé de plusieurs de ses membres et dirigeants. Continue à se poser la question de la continuité – temporelle et juridique – de son action. Est à nouveau envisagé le rapprochement, soit avec une association d’anciens combattants ou une association de victimes du terrorisme dont les statuts le permettraient. En cas de fusion, la condition (de principe) d’un lien de l’association absorbante avec l’Algérie est rappelée.

Le conseil d’administration issu de l’assemblée générale du 14 mars 2019 est renouvelé : Mme Safia Basset Hammoutène, M. Jean-François Gavoury, M. Michel Lambart (suppléant), Mme Geneviève Levallois (suppléante), M. Jean-Philippe Ould Aoudia, Mme Madeleine Ould Aoudia, Mme Geneviève Pilhion Bourgogne, M. Roger Pilhion, M. Henri Pouillot, Mme Edwige Roncière.

À la suite de cette désignation et aux termes d’une consultation par courriel (valant réunion virtuelle du conseil d’administration) organisée du 5 au 9 avril 2020, il a été, à l’unanimité, convenu de la reconduction du bureau précédent : M. Jean-François Gavoury, président ; Mme Safia Basset Hammoutène, vice-présidente ; Mme Geneviève Pilhion Bourgogne, trésorière ; M. Roger Pilhion, secrétaire général ; M. Henri Pouillot, secrétaire général adjoint.

 


25 JUILLET 2020

Entrée fortuitement en relation avec Jean-François Gavoury, Anne-Marie Delaunay-Danizio, fille de Jaques Delaunay, officier de l’armée de l’air au domicile parisien duquel une bombe explosa au cours de la nuit bleue du mercredi 17 au jeudi 18 janvier 1962, accepte de lui remettre la traduction d’une nouvelle qu’elle a écrite en anglais avec le point de vue d’une petite fille âgée de six ans à l’époque.

Cette artiste de double nationalité – française et américaine – est établie à Waltham (Massachusetts), dans la périphérie de Boston.

L’attentat dont elle livre ici le récit romancé n’a heureusement causé que des dégâts matériels (portes et fenêtres arrachées et une partie de l’escalier détruite), mais les séquelles, d’une autre nature, restent présentes plus de soixante ans après. Sa mère, journaliste, ainsi que ses jeunes frère et sœur occupaient également le logement du 160 rue Montmartre au moment des faits.

Seize autres opérations ont été menées par les activistes de l’OAS, à Paris et en banlieue, au cours de cette même nuit, visant des personnalités diverses, parmi lesquelles des militants de gauche, deux parlementaires UNR, un juge d’instruction, des rapatriés d’Algérie, une famille musulmane.

Embruns

17 janvier – 4 juillet 1962

Anne-Marie Delaunay-Danizio

                  Embruns, mon nounours est tombé par terre. Je me penche de mon lit, l’attrape et le serre contre moi. Une de ses oreilles est très décousue. Maman dit qu’elle va la recoudre, mais elle ne le fait jamais. Elle est trop occupée à taper tout le temps à la machine à écrire pour le journal. Je dis à Embruns que je l’aimerai toujours, tel qu’il est même avec une seule oreille.

Peut-être que Mamie Valentina pourrait la recoudre, mais elle est occupée, elle aussi. Elle fait la vaisselle, passe la serpillère et repasse les chemises de Papi Hubert. Elle vit rue Poissonnière, je passe devant son immeuble chaque matin quand je vais à l’école et elle me fait signe de sa fenêtre. C’est la maman de Papa.

Le lendemain, après que Papa est parti, j’ai pleuré sur le chemin de l’école. Maman dit qu’il sera de retour, et qu’il va bien. La police l’a attrapé à une réunion et l’a mis en prison. Je ne me suis pas réveillée quand la police est venue fouiller l’appartement après avoir emmené Papa. Ils ont emmené Maman pour la nuit, après avoir pris Papa et j’étais toute seule, mais je ne me suis pas réveillée.

C’est à cause des Algériens. Il reviendra quand la guerre sera finie. Maman était en colère contre moi parce que Mamie Valentina m’a vu pleurer. Elle m’a dit d’arrêter de pleurnicher, personne n’a besoin d’une pleurnicharde maintenant. Maintenant, je pleure à l’intérieur de moi-même quand Mamie Valentina me fait signe.

Je tiens Embruns contre moi. La chambre est sombre, sauf pour un tout petit peu de soleil d’hiver entre les rideaux qui montre que c’est le matin. Il fait sombre, mais je sais qu’Embruns me regarde et qu’il me comprend. Papa m’a donné Embruns pour mon anniversaire quand j’avais trois ans. Nous étions de retour à Paris de vacances en Bretagne. Le mot « embruns » veut dire la petite pluie que les vagues font quand elles s’écrasent contre les rochers. J’adore la mer. Elle respire et lèche mes pieds avec sa langue mousseuse. Papa m’a appris le mot « embruns ». Embruns est un ours brun, embruns et ours brun sonnent presque pareil. Papa m’a donné l’idée du nom de mon nounours. Il joue toujours avec les mots et les sons.

Je dors avec Embruns tout le temps. Il a trois ans maintenant et moi six ans. Il est vieux pour un ours en peluche. J’étais si petite à trois ans. Papa a 38 ans. C’est vieux mais pas aussi vieux que Papi et Mamie. Maman est plus jeune que Papa. Elle a trente-et-un ans.

Papa est dans l’armée de l’air. Il ne peut pas être pilote, parce qu’il porte des lunettes. Avant que la police ne l’emmène, il travaillait dans un bureau. Il m’a dit qu’avant de travailler dans un bureau, il était navigateur. Je lui ai demandé où était son bateau. Il a ri. Il a dit qu’il était navigateur dans un avion. La police l’a emmené et l’a mis en prison même s’il est dans l’armée. Il n’était pas censé essayer d’aider les rebelles algériens. C’est pour ça qu’ils l’ont emmené.

J’ai demandé à Papa si l’étudiant qui vivait à côté était algérien. Il s’appelle Medhi. Quand j’avais cinq ans, Papa m’a appris à lire. Il m’a montré la liste des noms à côté de la porte du concierge. Medhi est facile : M-E-D-H-I. Papa a dit que Medhi vient du Maroc. Beaucoup de gens n’aiment pas les Algériens et les Marocains, surtout maintenant, à cause de la guerre. Papa dit que l’Algérie appartient aux Français. Il m’a dit que les Algériens veulent leur indépendance et ils y ont droit. La police l’a emmené, parce qu’il a essayé d’aider les Algériens à devenir indépendants dans leur propre pays.

Papa est parti et Medhi aussi. Il est retourné au Maroc parce qu’avec sa peau foncée, il ressemble à un Algérien et personne ne l’aime ici. Medhi était gentil. Une nuit, quand j’avais quatre ans, j’ai fait un cauchemar et je me suis réveillée. J’ai marché à travers la grande pièce et il y avait des assiettes sales et des verres de vin à moitié vides sur la table. C’était étrange parce que Maman et Papa débarrassaient toujours la table après le dîner. Je suis allée dans leur chambre et le lit était fait. Le lit, la table, qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai eu peur. Pourquoi n’étaient-ils pas là ?

J’ai couru sur le palier et je me suis penchée au-dessus de la cage d’escalier. C’était très profond et j’ai crié et pleuré en regardant le fond.

Un jeune homme dans une longue chemise blanche est apparu.   Il m’a prise par la main et m’a remise dans mon lit et s’est assis sur une chaise à côté de moi, jusqu’à ce que Maman et Papa reviennent.

Après un certain temps, je me suis réveillée en entendant les pas de Maman et Papa.

“Je suis tellement désolée, qu’est-ce qui s’est passé ? Merci beaucoup !” J’ai entendu Maman dire “ Nous sommes allés au cinéma, merci encore !”

— “Pas de problème, Madame, Medhi a dit, elle avait si peur, pauvre petite. Dans mon pays, les enfants sont rois.”

J’écoutais les yeux fermés, faisant semblant de dormir, parce que j’avais peur que Maman se fâche si elle savait que j’étais éveillée.

Je n’ai plus Papa et plus Medhi, maintenant. Papa sera de retour et peut-être Medhi aussi. J’ai Embruns et Maman et Mamie Valentina (et Mamie Maria. Mamie Maria vit loin de Paris, à Villefranche). Il y a Papi Hubert aussi, mais je ne peux pas lui parler, parce qu’il n’entend pas très bien. Il marche avec une canne et reste assis tout le temps. Il fait la sieste ou lit le journal. Il a 82 ans. Il dit qu’il est très vieux, mais il ne veut pas mourir, parce qu’il ne croit pas en Dieu et qu’il n’y a rien après la mort. Je ne veux pas mourir. (Mon autre grand-père est mort quand j’avais deux ans. Il est mort d’une crise cardiaque. Je ne me souviens pas de lui. Il avait 53 ans. Mamie Maria m’a montré des photos de lui. Il sourit. Il a une moustache et porte un chapeau.)

***

J’entends un grand fracas, mais je crois que je rêve. Je sors du lit, et traverse la grande pièce entre ma chambre et la chambre de Maman. Les rideaux des deux fenêtres de la grande pièce sont fermés. Entre les rideaux et chaque fenêtre, il y a un espace, comme un placard quand les rideaux sont fermés. Il fait froid et il fait sombre dans la pièce. Peut-être que quelque chose d’effrayant est caché dans cet espace.

Il n’y a plus de porte entre la grande pièce et le couloir et plus de porte entre le couloir et la chambre de maman. Dans la chambre, il n’y a plus de mur, et à travers l’énorme ouverture, je vois un trou où étaient le palier et le haut de l’escalier.

« Maman !» Je crie : « Qu’est-ce qui s’est passé ? Il y a un grand trou dans le mur ! » Pierres et plâtre, poussière et éclats de verre sont partout. Maman est assise à son bureau et elle ne me répond pas. Je suis près du lit qui est fait, tout comme il l’était quand j’ai couru hors de l’appartement, et Medhi s’est assis à côté de mon lit, quand Maman et Papa étaient partis.

Il y a le même dessus de lit blanc sur le lit. Mamie Maria a tricoté le dessus de lit avec des aiguilles spéciales qui ont de petits crochets. Elle a fait des fleurs et des feuilles sur le dessus de lit blanc. Il y a aussi de la poussière sur le lit. “Peut-être qu’il y a un grand trou dans la prison de Papa aussi. Peut-être que Papa reviendra,” je pense.

Maman, maman !! Je crie. Elle sursaute.

« Clara », elle dit, « Les méchants, les O.A.S, ont posé une bombe devant l’appartement. » Je n’aime pas quand elle m’appelle Clara. Ça veut dire : sois une grande fille et ne pleure pas. Je veux rire et pleurer en même temps. Ce grand trou dans le mur est drôle. Je suis libre maintenant, je peux aller et venir sans arrêt. J’ai envie de pleurer aussi. Papa me manque et Maman est tellement triste. Ses yeux sont rouges et elle est maigre, sauf pour son ventre rond.

***

Des gens crient, dans la rue, “O.A.S., assassins”. Je suis assise à la fenêtre et je crie avec eux à tue-tête. Je ne les vois pas à cause de la cour. “O.A.S. assassins, O.A.S assassins…”

***

À l’école, Madame Lebrun nous montre une image de la lettre « F », le « F » de l’image est formé par des branches en feu. « f » elle dit f… f », comme feu. Tous les matins, elle écrit la date sur le tableau noir. Aujourd’hui, c’est le jeudi 15 février 1962. Il y a trois semaines, quand je me suis réveillée, le mur de la chambre de Maman avait disparu. Il y a quelques jours, les gens criaient dans la rue.

Je peux lire. Papa m’a appris, mais je ne veux pas que Madame Lebrun le sache. Elles vont me mettre au CE1, Madame Lebrun et la Directrice. Je veux rester au CP avec Madame Lebrun et Cécile. Cécile a des cheveux noirs et de grands yeux bleus. Elle est très bonne en maths et peut sauter à la corde très vite. Je trébuche toujours sur la corde. J’ai eu une autre amie, Véronique, à la maternelle, mais elle a déménagé. Elle est rousse.

Cécile et Véronique sont juives. Papa m’a dit qu’elles l’étaient. Papa dit que les Juifs sont très intelligents et que les Allemands ont été très méchants avec eux pendant la guerre, pas la guerre avec les Algériens, mais celle d’avant avec beaucoup de pays. Mon Papi Hubert est juif aussi, sauf qu’il n’est pas mon vrai grand-père. Mon vrai grand-père est mort de pneumonie pendant la grande guerre et ma grand-mère Valentina s’est remariée.

Papa m’a dit que les Allemands étaient très méchants avec Papi Hubert, qu’ils l’ont mis dans un camp avec beaucoup de Juifs et beaucoup d’entre eux sont morts. Il m’a dit qu’il avait combattu contre les Allemands pendant la guerre. Il était résistant.

***

Madame Lebrun sourit tout le temps. Elle aime chanter. Elle nous apprend beaucoup de chansons. Elle est forte avec une grosse poitrine et porte une blouse rose. Elle nous a appris à chanter : Si j’avais un marteau. J’aime beaucoup cette chanson.

***

Aujourd’hui, après l’école, Mamie Valentina vient me chercher. J’ai l’habitude de rentrer à pied de l’école par moi-même, et je suis très contente de la voir, mais elle dit que Maman est à l’hôpital. On prend le métro pour l’hôpital. Mamie Valentina est très grande avec beaucoup de cheveux blancs et ne sourit jamais. Elle dit que Maman va bien, mais je sais qu’elle est contrariée par la façon dont elle roule ses « R ». Elle est venue de Russie il y a longtemps. Elle a déménagé en France à cause des bolcheviks, elle m’a dit. Elle n’a pas d’accent parce qu’elle était petite comme moi quand elle a dû déménager. Elle roule les « R » seulement quand elle s’énerve.

Maman est allongée sur le lit d’hôpital. Son visage est tout blanc. Elle me caresse la joue avec sa main et dit : « Ma fille, ma petite fille ! ». Ça me fait pleurer de la voir. Elle ne me gronde pas de pleurer. « Je suis tellement fatiguée », elle dit. « Je vais aller mieux après un peu de repos. » Mamie me donne un mouchoir.

Je dessine dans la salle d’attente. Mamie parle à une infirmière. Elles parlent à voix basse, et je fais semblant de ne pas écouter.

« Elle a perdu beaucoup de sang », dit l’infirmière. « Quatre mois … une fille. »

« Elle a déjà eu plusieurs fausses couches », dit Mamie.

« J’ai peur qu’elle ne puisse plus avoir d’enfants », dit l’infirmière.

Nous prenons le métro pour retourner à notre appartement de la rue Montmartre. On monte les cinq étages. Il y a des planches clouées sur les escaliers. On arrive sur le palier. Il y a une énorme tenture qui recouvre le trou du mur où se trouve la chambre de Maman et Papa.

Sur le palier, devant la tenture, un agent de police est assis à un pupitre qui est trop petit pour lui. Je lui dis bonjour, parce qu’il a l’air gentil même si la police a emmené Papa. Il me fait un grand sourire. Il porte un pistolet dans un étui noir attaché à sa ceinture. Je lui demande si je peux voir son pistolet. Il dit oui et même me laisse le tenir. Il ressemble à l’agent qui nous aide à traverser la rue devant l’école. Maman dit que certains des policiers sont pour l’O.A.S. et d’autres pour de Gaulle. Ceux pour de Gaulle sont plus gentils.

***

Mamie m’aide à faire ma valise. On marche jusqu’à chez elle. Elle tient ma valise et je porte mon cartable et Embruns. Elle n’a pas de douche dans son appartement. Elle me lave dans une bassine en bois. Quand je suis couverte d’eau savonneuse, je saute hors de la bassine et cours me cacher derrière les rideaux de la fenêtre.

« Arrête ! ». Mamie se plaint : « Tout le monde peut te voir ! ».

Je trouve ça drôle, que je puisse me cacher et que tout le monde puisse me voir. C’est drôle de s’enfuir sans vêtements avec de l’eau savonneuse sur tout mon corps.

Mamie me fait faire mes devoirs tous les soirs, et je déteste ça. Je n’aime plus l’école. Madame Lebrun est partie, parce qu’elle va avoir un bébé. J’espère qu’elle ne perdra pas le bébé comme Maman. Cécile est méchante. Elle se moque de moi parce que je ne peux pas sauter à la corde.

Et puis il y a Patricia Marconi. Cécile l’appelle Pâtes Macaroni.

Je trouve ça drôle, mais pas gentil. Patricia Marconi sent le pipi. On dirait qu’il y a du beurre dans ses cheveux et elle se gratte la tête. Cécile dit qu’elle pue et qu’elle a des poux, et puis elle dit que je suis comme Pâtes Macaroni, et qu’elle devrait être ma nouvelle meilleure amie.

***

Un jour d’avril, Mamie Valentina me dit que je vais passer quelque temps avec Mamie Maria à la campagne jusqu’à ce que Papa revienne. Elle me met dans le train pour Villefranche-de-Rouergue. Je vois Mamie Maria de la fenêtre du train. Je l’appelle et je lui fais signe. Elle m’embrasse sur le quai. Ses cheveux sont courts et blonds. Elle sent l’eau de Cologne et le talc. Je lui dis que j’aime son rouge à lèvres orange. « Tu vois », dit-elle, « je viens de me faire couper les cheveux, je voulais être jolie pour ma petite-fille préférée. » Elle sourit. « Mon Dieu, tu as l’air si maigre », elle me dit dans la voiture, en route pour Villefranche, « l’air de campagne et la nourriture vont te faire du bien ! »

Ma nouvelle école est en haut d’une colline à côté de l’église. Nous ne sommes que quinze, garçons et filles, de toutes les classes. Pendant la récréation, je cours après les poulets qui traversent la cour de l’école et je joue à la marelle avec les petits de la maternelle et l’autre fille du CP. Je saute mieux à la corde. Je fais un kilomètre à pied à l’aller et au retour de l’école tous les jours. Mamie me prépare des tartines de confiture avec du pain beurré pour le petit déjeuner, et aussi je mange du poulet, du fromage et du jambon, de la purée et des haricots verts avec du beurre et de l’ail.

***

Maman appelle de temps en temps depuis Paris. Quand je lui parle, elle dit que Papa sera bientôt à la maison, que je lui manque et qu’elle m’aime. Je lui dis que je l’aime aussi, mais je me sens mal parce qu’elle ne me manque pas. Je veux rester avec Mamie tout le temps. Quand je fais mes devoirs le soir, elle tricote des écharpes et des pulls, pour l’hiver prochain. Elle a cousu l’oreille d’Embruns, et lui a donné un bain.

Quand Mamie et Maman parlent au téléphone, je fais semblant d’aller aux toilettes, et je décroche l’écouteur dans la chambre de Mamie. Je fais attention quand je décroche et surtout raccroche, en reposant l’écouteur tout doucement, pour éviter le clic.

« Il a obtenu le statut de prisonnier politique », Maman dit. « Il a mis fin à sa grève de la faim. Ils le traitent décemment maintenant. »

« Les locataires ont signé une pétition pour nous faire expulser. Les Rabinovich ont refusé de la signer. », Maman dit à Mamie une autre fois.

« Que Dieu les bénisse ! », Mamie répond, « sauvés par les Juifs … bien après ce que nous avons fait pour eux pendant la guerre… »

Je pense aux Rabinovich pendant qu’elles parlent et j’oublie presque de raccrocher le téléphone. Madame Rabinovitch a de longues jambes maigres, et une bosse, elle est courbée. Elle ressemble à une cigogne et elle joue du violon. Monsieur Rabinovich est petit, plus petit qu’elle. Il porte le même chapeau melon et veste en velours côtelé tout le temps. Ils se tiennent la main et ils sont toujours ensemble. Ils ont douze chats. Elle dit que le miaulement de ses chats ressemble au violon. Chaque miaulement est une note différente. Elle joue bien du violon. Je l’écoute quand je rentre de l’école à Paris.

« Ils pourraient aussi être expulsés », dit Mamie. « Les chats, l’odeur, le violon. »

« Non, ils ne le feront pas », dit Maman. « Je refuserais de signer, en plus elle est la cousine du propriétaire. »

***

C’est une belle journée de juillet, pendant les vacances d’été. Je suis sur la balançoire dans le parc de Mamie, donnant des coups de pied vers le haut des pins. Je vois Mamie et Maman et un homme maigre avec une barbe marchant vers moi. Je les regarde. Pourquoi sont-ils là et qui est cet homme étrange ? Papa est mort et Maman s’est remariée ? Je veux m’enfuir.

« Tu ne reconnais pas ton père, mon petit ange ? » Il a la voix de Papa. Je l’embrasse. Il sent drôle, comme quand la bouteille de lait s’est cassée dans le coffre de la voiture. Il a la voix de Papa et les yeux de Papa. Il sent le tabac comme Papa. Sauf que mon Papa sent l’Amsterdamer et que l’odeur de ce tabac est différente. Mon papa sent bon l’après-rasage, et ce papa sent le lait aigre.

J’embrasse cet homme qui est Papa et pas Papa, et je pleure. Je veux le papa qui sent l’Amsterdamer et l’après-rasage. Je veux le papa qui a les joues lisses. J’ai peur que ce papa, mon vrai papa, ne revienne jamais.

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“PINK AND BLUE (CHANTS AND SHOUTS)” – ANNE-MARIE DELAUNAY-DANIZIO

NDLR : Toile réalisée fin juillet 2020, acceptée dans une exposition virtuelle, puis présentée à New York jusqu’au 28 février 2021. Son titre, en français, est “Rose et Bleu (Cris et Slogans).” Selon l’artiste, « Rose et bleu sont les couleurs tendres d’une enfance prise dans un traumatisme collectif. »

 


4 AOÛT 2020

L’ANPROMEVO répond favorablement à une proposition d’entremise (cf. ci-après) de l’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT) auprès de l’équipe en charge de la réalisation du futur Musée-Mémorial dédié aux victimes du terrorisme :

De : « Association française des Victimes du Terrorisme »
À : anpromevo@noos.fr
Envoyé : mercredi 15 juillet 2020 – 11h00
Objet : Votre contribution au Musée Mémorial dédié aux victimes du terrorisme

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Madame, Monsieur,

L’Association française des Victimes du Terrorisme (AfVT) souhaite vous intégrer dans les travaux préparatoires concernant le Musée mémorial dédié aux victimes du terrorisme.

Le 19 septembre 2018, lors de l’hommage national aux victimes du terrorisme organisé par l’AfVT et la Fenvac, le Président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé le lancement d’une mission de préfiguration d’un Musée mémorial, composée de trois conseils : mémoriel, scientifique et pédagogique.

Cette mission a rendu son rapport qui détaille le projet de futur Musée-mémorial des sociétés face au terrorisme et qui a reçu l’approbation du Président de la République. Celui-ci aura trois fonctions :

Un lieu de mémoire pour les victimes décédées mais laissant également une place aux survivants, blessés physiques et psychologiques, et rendant visible les primo-intervenants et aidants

Un musée d’histoire et de société tourné vers la connaissance et l’apprentissage

Un lieu de transmission pour le grand public et les publics particuliers (lycéens, collégiens, formation continue)

Pour la partie relative au musée, des collections permanente et temporaire vont devoir se constituer. Pour cela, l’équipe de préfiguration s’est mise en contact avec les associations afin de recenser les premiers éléments à disposition.

C’est pourquoi nous vous sollicitons aujourd’hui !

Nous avons besoin de votre apport pour recenser les documents, objets, témoignages, productions artistiques ou tout autre élément pertinent qui pourraient faire partie des collections du futur Musée-mémorial couvrant principalement la période allant des attentats des années 1960 à nos jours. Sachez que les éléments composant la collection pourront être des dons, des dépôts ou des prêts.

[…]

N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations à l’adresse suivante : contact@afvt.org

L’équipe de l’AfVT

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Association française des Victimes du Terrorisme
AfVT – BP 91058 – 75829 PARIS Cedex 17 (France)
Tél : +33 1 84 79 10 10

contact@afvt.org – www.afvt.org

L’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS adresse à l’AfVT, outre une note d’observations à ce sujet, une première liste de pièces et documents susceptibles d’être versés à cet établissement le moment venu (cf. infra). Dans son courriel de réponse, le président de l’ANPROMEVO indique qu’il lui paraît « légitime et opportun que les victimes – tant décédées que survivantes – des milliers d’attentats et actes terroristes commis par l’OAS, sur le sol d’Algérie comme en métropole, en 1961 et 1962, bénéficient de l’hommage que ce projet a vocation à matérialiser ».

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Siège : Maison de la vie associative et citoyenne du 11e arrondissement 8, rue du Général Renault 75011 Paris
Adresse postale : 7 rue des Petits Bois 92370 Chaville
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Association déclarée à la préfecture de police le 7 avril 2006

 


4 AOÛT 2020

LE FUTUR MUSÉE-MÉMORIAL DES SOCIÉTÉS FACE AU TERRORISME
Perspectives de contribution de l’ANPROMEVO au projet
(sous l’entremise de l’AfVT)

Quelques observations s’imposent à la lecture du rapport – très circonstancié – émanant en mars 2020 de la mission de préfiguration du futur Mémorial-Musée dédié aux victimes du terrorisme.

– C’est d’abord au titre de l’histoire du terrorisme que les crimes et attentats de l’OAS sont cités dans ledit rapport (en page 19) :

Après la Seconde Guerre mondiale et l’épisode de Vichy, la question du « terrorisme » est évidemment très présente durant la guerre d’Algérie, plus que durant le conflit en Indochine qui l’a précédé. Le Front de libération nationale (FLN) l’a utilisé pour terroriser la population européenne en Algérie et faire pression sur les autorités françaises, en particulier lors de la bataille d’Alger, mais aussi dans la lutte qui l’a opposé au Mouvement national algérien (MNA), y compris sur le territoire métropolitain. Le terrorisme a été également le mode opératoire choisi par une partie des opposants à l’indépendance, et tout particulièrement l’OAS, l’Organisation armée secrète, lors de la sortie de guerre. Certains des attentats qu’elle a commis ont profondément marqué l’opinion, tel celui mené contre l’appartement d’André Malraux, à Boulogne-Billancourt, le 7 février 1962, qui blessa grièvement une fillette, Delphine Renard.

– Ça l’est encore au titre du paragraphe « LES MÉMORIAUX FRANÇAIS » (cf. page 59) :

Toutefois, depuis quelques années, l’euphémisation n’est plus de mise pour les plaques et stèles commémorant des crimes désormais inscrits dans l’histoire et aux auteurs bien identifiés. À titre d’exemple, les 390 plaques apposées sur des établissements scolaires de l’académie de Paris depuis les années 1990, en souvenir des enfants juifs victimes de la Shoah, mentionnent toutes explicitement l’occupant nazi, la police française ou le gouvernement de Vichy. De même, en octobre 2011, le conseil de Paris a décidé la pose d’une stèle au cimetière du Père-Lachaise, « en hommage à toutes les victimes de l’OAS en Algérie et en France, civils, militaires, élus, magistrats, fonctionnaires, défenseurs des institutions et des valeurs de la République * ». Le futur musée-mémorial devra tenir compte de cette topographie mémorielle dans la capitale.

Page 79, à propos de la contribution des Archives nationales, il est mentionné :

Les fonds du ministère de la Justice et du ministère de l’Intérieur déposés aux AN permettent de documenter l’histoire du terrorisme en France et de sa répression. On y trouve les dossiers de procédure des attentats commis depuis les années 1960 (notamment de l’OAS) jusqu’aux années 1990 et les premiers attentats islamistes, en passant par les années 1980 (Action directe). On peut suivre ainsi un dossier, étape par étape, avec d’autres sources, notamment des archives locales. Il est également possible de travailler sur la coopération internationale en matière de terrorisme depuis 1945 grâce à la présence de documents de plusieurs pays européens.

________________________

* L’Humanité, 7 octobre 2011, article disponible à l’adresse suivante : https://www.humanite.fr/politique/une-stele-pour-les-victimes-de-l’oas-481098

Outre ces références explicites à l’organisation terroriste en question, il convient de retenir les éléments ci-après de la réflexion conduite par les auteurs du rapport :

– En page 63, le paragraphe intitulé « Un musée sur l’histoire du temps présent » indique que le musée-mémorial a vocation à se concentrer en priorité sur la période de la fin des années soixante (1974, plus précisément), mais que l’hommage qui en constitue l’objet pourra remonter en-deçà.

  1. Un musée sur l’histoire du temps présent – Rendre hommage à toutes les victimes, sans discrimination, suppose de remonter dans le temps, d’identifier des actes ou des victimes pour lesquelles il reste parfois peu d’informations. Il est indispensable, cependant, de conserver à ce lieu une clarté et une forte visibilité, aussi bien sur le plan mémoriel que muséographique. La décision récente des pouvoirs publics de rallonger le périmètre d’attribution de la médaille des victimes du terrorisme à l’année 1974 – date du premier attentat meurtrier commis en France depuis la guerre d’Algérie – constitue un repère que le mémorial doit prendre en compte. Son action s’inscrit en effet dans la continuité des politiques d’aides, de réparation et de reconnaissance conduites ces dernières années, même si l’hommage pourra revêtir une dimension symbolique et collective, et donc remonter en deçà de cette date. Sur le plan muséographique, cela signifie que le musée-mémorial se concentre en priorité sur une période qui couvre la fin des années 1960 à nos jours, une séquence d’histoire du temps présent relativement cohérente quant à l’évolution du terrorisme et celui de la société française dans un contexte mondial. Cette priorité se fera en offrant aux visiteurs des repères de plus longue durée, depuis le XIXe siècle, permettant de comprendre le phénomène terroriste sur un temps long.

En pages 70 et 72 (§ VI – Le musée d’histoire et de société), les auteurs du rapport mettent une fois encore l’accent sur leur conception extensive du projet :

Le mémorial doit offrir en priorité la possibilité d’identifier les victimes. L’inscription de leur nom sur un mur ou tout autre support exprime la pérennité de la fidélité aux morts. C’est la raison d’être première d’un mémorial. Le futur musée-mémorial aura ainsi la tâche d’aider à l’élaboration d’une liste aussi précise et exhaustive que possible des victimes décédées suite à des actes de terrorisme depuis 1974, peut-être même avant, en coopération avec les familles et les proches, et sous le contrôle des instances judiciaires et administratives compétentes : la Délégation interministérielle à l’aide aux victimes, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), le parquet national antiterroriste ou le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

L’essentiel de ce premier temps du parcours sera consacré au terrorisme contemporain, de la fin des années 1960 à nos jours. Ce choix, explicité à plusieurs reprises, correspond à l’émergence d’une nouvelle forme de terrorisme, sans frontières, internationalisé, utilisant des méthodes relativement nouvelles et très spectaculaires comme les détournements d’avions, et s’attaquant en priorité à des civils hors d’un contexte de guerre sur le territoire visé. Toutefois, le visiteur aura la possibilité d’avoir un aperçu de l’histoire longue de cette forme de violence, avec des rappels sur quelques séquences significatives : l’anarchisme de la fin du XIXe siècle, le terrorisme des guerres d’indépendance et de décolonisation, comme la guerre d’Algérie.

L’ANPROMEVO doit à l’Association française des Victimes du Terrorisme d’être associée à la concrétisation de ce projet de mémorial-musée dédié aux victimes d’attentats et à l’histoire du terrorisme : sa proposition d’entremise constitue probablement la garantie de l’efficacité d’une démarche que l’ANPROMEVO n’a pas estimé devoir entreprendre d’initiative en s’adressant directement aux membres de l’équipe-projet (gouvernance).

L’ANPROMEVO, sans s’interdire de formuler dès que possible une réponse collective au questionnaire-type reçu de l’AfVT, entend, dans un premier temps, lui faire parvenir une première liste des pièces, objets, documents susceptibles d’être versés au Musée pour en alimenter les collections.

Cette liste sera complétée une fois qu’elle aura reçu l’assurance de voir le souvenir des victimes du terrorisme de l’OAS bel et bien inclus, in fine, dans le périmètre de l’hommage que ce Musée-Mémorial a vocation à matérialiser.

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4  AOÛT 2020

Liste première des éléments à déposer au Musée-Mémorial des victimes du terrorisme :

Livres :

L’assassinat de Château-Royal – Alger – 15 mars 1962, de Jean-Philippe Ould Aoudia. Éditions Tirésias, 1992.

La bataille de Marignane – 6 juillet 2005 – La République, aujourd’hui, face à l’OAS, de Jean-Philippe Ould Aoudia, suivi de Mort pour la France. 31 mai 1961 – Alger, de Jean-François Gavoury. Éditions Tirésias, 2006.

La grande maison de brique rose – La Mémoire blessée dans l’attentat de l’OAS contre André Malraux (1962), de Delphine Renard. Éditions Tirésias, 2014.

Images :

– Le mur de « Château Royal » à El Biar (agglomération d’Alger), contre lequel six dirigeants des Centres sociaux éducatifs en Algérie ont été alignés et abattus par un commando de l’OAS le 15 mars 1962 ;

– La plaque commémorative de l’assassinat de Château-Royal apposée au rez-de-chaussée de l’hôtel de Rothelin-Charolais, 101 rue de Grenelle, à Paris (7e) ;

– La médaille à l’effigie de Max Marchand, directeur des Centres sociaux éducatifs d’Algérie ;

– La stèle édifiée par la Ville de Paris, dans l’enceinte du cimetière du Père Lachaise, en hommage à l’ensemble des victimes de l’OAS ;

– La stèle dédiée, devant la gare d’Alençon (Orne), à Alfred Locussol, premier fonctionnaire de l’État assassiné par l’OAS sur le territoire métropolitain ;

– Plaque apposée en mémoire des victimes des actes terroristes commis par l’OAS sur le Monument aux Morts présent à l’intérieur du cimetière du Touvet (Isère).

Films-documentairesEnquêtes :

OAS, un passé très présent – La reconnaissance à la mémoire courte, de Djamel Zaoui (2008) ;

Mon père, la guerre d’Algérie, et moi, de Djamel Zaoui (2016) ;

Attentats de Paris – Terrorisme : quand l’histoire se répète : cf. https://www.francetvinfo.fr/replay-magazine/france-2/complement-d-enquete/video-attentats-de-paris-terrorisme-quand-l-histoire-se-repete_1184203.html

Reportages vidéo (INA)

– Obsèques du maire d’Évian (cf. https://m.ina.fr/video/CAF91065869).

– Obsèques de Roger Gavoury (cf. https://www.ina.fr/video/CAF90002844).

– La recrudescence du plastic et la manifestation de la Bastille – Attentat de l’OAS dirigé contre André Malraux : cf. https://www.ina.fr/video/AFE85009398/la-recrudescence-du-plastic-et-la-manifestation-de-la-bastille-video.html.

–    Procès des assassins de Roger Gavoury (cf. https://www.ina.fr/video/CAF96027582 + https://www.ina.fr/video/CAF90005883.

– Obsèques des six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs en Algérie (cf. : https://www.ina.fr/video/AFE85009438/situation-dans-alger-paralysee-par-les-greves-video.html).

– Procès des assassins d’Alfred Locussol (cf. https://www.ina.fr/video/CAF94073350).[1]

Témoignages

(émanant de veuves et descendants de victimes de l’OAS diffusés par l’ANPROMEVO auprès de ses membres) :

– Mme Alexandrine Brisson, dont le grand-oncle, Alfred Locussol, directeur-adjoint des services de l’Enregistrement à Alençon (Orne), a été mortellement blessé à son domicile le 3 janvier 1962 ;
– Mme Anne-Marie Delaunay, dont le père Jacques Delaunay, officier de l’armée de l’air, venait d’être inculpé pour son soutien au FLN au moment où une bombe a explosé au domicile familial 160 rue Montmartre à Paris (nuit du 17 au 18 janvier 1962) ;

– Mme Hélène Serfati, dont le père, David Serfati, chef d’entreprise, a été assassiné le 25 février 1962 à Oran ;

– Mme veuve Bourgogne, dont le mari, Marcel Bourgogne, chef d’escadrons, a été tué à Alger le 11 avril 1962.

Documents administratifs (sûreté nationale)

– Rapport adressé le 16 décembre 1960 par le commissaire central adjoint d’Alger, Roger Gavoury, au colonel Moullet, commandant le secteur Alger-Sahel, portant sur les manifestations du 11 décembre 1960 à Alger (quartiers de Belcourt et du Ruisseau).

– Pièces et illustration relatives à l’attentat commis le 14 avril 1961, à l’aide d’une charge de plastic déposée devant la porte du logement faisant face à celui occupé par le commissaire Gavoury, dévastant les deux appartements au 4, rue du docteur Trolard à Alger.

 


6 OCTOBRE 2020

Au cimetière parisien du Père Lachaise, les victimes civiles et militaires de l’OAS reçoivent l’hommage qui leur est dû ce 6 octobre 2020, comme chaque année, depuis que le maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, a dévoilé une stèle commémorative à leur intention : c’était le 6 octobre 2011, et ce neuvième anniversaire n’est célébré qu’en présence de dix personnes en raison des mesures sanitaires imposées localement par la pandémie Covid-19.

Les termes de la prise de parole du président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS sont reproduits dans l’encadré ci-après.

Dans son prolongement, le propos du président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » consiste en une adresse au chef de l’État mettant en lumière la contradiction entre, d’une part, le fond de ses déclarations relatives à la guerre d’Algérie et, d’autre part, le positionnement de l’une de ses administrations refusant de voir dans les membres de l’OAS des belligérants engagés dans la guerre d’Algérie et dans les fonctionnaires de l’Éducation nationale victimes de leurs crimes des personnes éligibles au statut de « Mort pour la France » au même titre que leurs collègues assassinés par le FLN.

Après dépôt de gerbes et minute de silence, M. Pascal Joseph, représentant le maire du 20e arrondissement de Paris, conclut cette manifestation mémorielle par un message d’espérance : se plaçant symboliquement dans l’axe du Monument dédié aux Parisiens morts pour la France en AFN (inauguré en 2003) et de la stèle en mémoire des disparus des Abdellys (érigée en 2015), il a rappelé la lenteur qui s’attache au cheminement vers la juste mémoire, soulignant qu’il aura fallu attendre 1999 pour que les événements d’Algérie soient légalement qualifiés de guerre et 2012 pour que le 19 mars soit érigé en journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.

Intervention de Jean-François Gavoury, président de l’ANPROMEVO,
le 6 octobre 2020 à 11h30 au cimetière parisien du Père Lachaise lors de l’hommage aux victimes civiles et militaires de l’OAS devant la stèle élevée à leur mémoire le 6 octobre 2011

Monsieur Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » et moi-même vous épargnerons la liste de celles et de ceux de nos membres qui ont retiré leur participation à cet hommage rituel à l’ensemble des victimes du terrorisme de l’OAS pour vous permettre – pour nous permettre – d’être présents dans la limite du « contingent » réglementaire.

Je présente ici les excuses du Maire du 11e arrondissement, Monsieur François Vauglin, et les sentiments de sympathie solidaire du directeur général de l’Association française des victimes du terrorisme, M. Guillaume de Saint Marc : le premier est retenu par une séance du Conseil de Paris ; le second l’est par le procès en cours que vous savez.

C’est également par la pensée, depuis le Conseil de Paris, que Monsieur Éric Pliez, maire du 20e arrondissement, se joint au souvenir de nos victimes, et je suis très heureux de retrouver Monsieur Pascal Joseph, son délégué en charge de la mémoire et des anciens combattants, avec nous aujourd’hui comme il y a neuf ans.

Je salue enfin l’amicale présence de Monsieur René Riccoboni, président du comité FNACA du 20e arrondissement, porteur du drapeau de la section locale de la FNDIRP, et accompagné du porte-drapeau de la FNACA.

Il y a soixante ans jour pour jour, le 6 octobre 1960, le Manifeste des intellectuels français pour la résistance à l’abandon, était adressé aux quotidiens « Le Figaro » et « Le Monde » pour parution le lendemain.

Ainsi, dans le contexte de la guerre d’Algérie, et en réponse au Manifeste des 121 sur le droit à l’insoumission publié un mois plus tôt, 185 intellectuels français condamnaient « les apologistes de l’insoumission et de la désertion ».

Ils soutenaient l’action de la France et de l’armée en Algérie en ces termes : « L’action de la France consiste, en fait comme en principe, à sauvegarder en Algérie les libertés (…) contre l’installation par la terreur d’un régime de dictature ».

Ils voyaient une imposture dans le fait « de dire ou d’écrire que la France [combattait] le peuple algérien dressé pour son indépendance ».

En opposition frontale au Manifeste des 121, taxé d’acte formel de trahison, celui des 185 considérait que la guerre en Algérie consistait en « une lutte imposée à la France par une minorité de rebelles fanatiques, terroristes et racistes, conduits par des chefs armés et soutenus financièrement par l’étranger … [en vue] de la mutilation du territoire [français] ».

Prétendument apolitique, ce manifeste pour l’Algérie française dénonçait les « propagandes de toutes sortes » visant « la jeunesse de France pour l’amener soit à la désertion morale du devoir civique et patriotique, soit à la désertion effective de l’obligation militaire, ainsi que les propagandes de même nature [sévissant] dans les universités pour obscurcir les valeurs morales … ».

Le groupe des 185 sera rapidement renforcé par 150 autres signataires, comprenant des professeurs, des écrivains et des journalistes, tels Jacques Chastenet et le romancier Jacques Laurent, co-fondateur ce dernier, en décembre 1960, de la revue L’Esprit public, futur organe officieux de l’OAS.

Si j’évoque cet anniversaire-là, c’est parce que cette date du 6 octobre 1960 me paraît chargée de sens. Le manifeste des 121 se concluait par l’affirmation selon laquelle « la cause du peuple algérien, [contribuant] de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres. » En écho à une aspiration de nature à la fois progressiste et légitime à la paix, le discours réactionnaire pour le maintien de la France dans ce dernier bastion de l’Empire colonial était porteur de radicalité : une radicalité qui inspirera l’argumentaire et l’action criminelle de l’OAS jusqu’après l’indépendance, pour ne pas dire jusqu’à nos jours sous l’effet, cette fois, d’une réécriture de l’histoire pénétrant certaines sphères administratives.

Qu’on en juge ! La direction générale de l’Office national des anciens combattants a été saisie le 18 février 2020 d’une demande d’attribution de la qualité de Mort pour la France à la fois à Monsieur Guy Monnerot, instituteur, tué par le FLN le 1er novembre 1954 (considéré comme la première victime civile de la guerre d’Algérie) et aux six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs dont l’association « Marchand-Feraoun » porte la mémoire, assassinés par un commando de l’OAS sur leur lieu de travail le 15 mars 1962, trois jours avant la signature des Accords d’Évian.

La sentence, inconséquente et manifestement entachée d’iniquité, est tombée le 20 mai sous la plume de Madame Véronique Peaucelle-Delelis : en substance, pour le malheureux Guy Monnerot, volontiers ; mais pour ses six collègues, non point, car l’OAS ne faisait pas partie des belligérants engagés dans la guerre d’Algérie.

Pourquoi pas, dans ce cas, leur accorder la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme, créée à la suite des attentats de 2015 visant la République et les valeurs qu’elle représente ? Impossible, car cette distinction peut certes être décernée de manière rétroactive … mais pas en deçà du 1er janvier 1974.

Idem pour la mention Mort pour le service de la Nation, votée en novembre 2012 et s’appliquant aux décès survenus à compter du 1er janvier 2002 !

Peut-être, alors, l’accès au futur musée-mémorial des sociétés face au terrorisme par le biais de sa thématique relative à l’histoire du terrorisme ? Non plus, ladite thématique n’ayant pas vocation à couvrir les événements antérieurs à la fin des années 1960.

Ainsi le laborieux édifice des lois d’amnistie concernant les peines et sanctions infligées aux activistes de l’OAS semble-t-il s’être prolongé, lors de l’élaboration de chaque texte portant création d’une forme nouvelle de reconnaissance ou distinction, par un montage juridique alambiqué, destiné à exclure méthodiquement les victimes de cette organisation criminelle.

L’amorce d’un changement viendra-t-elle avec – ou dans le prolongement de – la mission que le chef de l’État a confiée fin juillet à l’historien Benjamin Stora sur « la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » ? Nous ne tarderons pas à être fixés.

*

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a tout juste neuf ans, M. Bertrand Delanoë, maire de Paris, nous réunissait ici-même – en nombre, à l’époque ! – nous offrant un espace et un moment de respiration républicaine : un espace permanent, avec ce monument à l’implantation remarquable ; un moment qui se renouvelle à l’occasion des cérémonies qui, chaque année, le 19 mars et le 6 octobre, favorise la mise à l’honneur des victimes de l’OAS.

Sortir des ténèbres de l’oubli et de la négation cette catégorie si spécifique de victimes de la guerre d’Algérie pour les faire enfin accéder à la lumière de la vérité : tel a été le sens de l’acte posé ici par Monsieur Bertrand Delanoë.

Je laisse à cet élu de la capitale qui nous honore de sa présence fraternelle le soin de dire et redire notre gratitude à Monsieur le Maire honoraire de Paris.

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JOURNÉE D’HOMMAGE AUX VICTIMES CIVILES ET MILITAIRES DE L’OAS
CIMETIÈRE PARISIEN DU PÈRE LACHAISE
6 OCTOBRE 2020 [11H15-12H00]

 

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Une assistance distanciée et réduite

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Une assistance distanciée, réduite et sous surveillance

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Jean-François Gavoury entouré des porte-drapeaux de la FNACA et de la FNDIRP (section Paris-20)

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Jean-Philippe Ould Aoudia durant son intervention

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 Dépôt de gerbe « MARCHAND-FERAOUN »

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Dépôt de gerbe « ANPROMEVO »

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Les porte-drapeaux de la FNACA de Paris (20e) et de la FNDIRP (section du XXe) durant la minute de silence

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Pascal Joseph, conseiller d’arrondissement, délégué́ au maire du 20e en charge de la mémoire et des anciens combattants, conclut la cérémonie

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16 OCTOBRE 2020

 Dans un courriel intitulé « Salan n’a plus sa place à Saint-Seurin-sur-l’Isle (Gironde) », l’ANPROMEVO adresse un satisfecit à la maire de cette commune qui, le 24 septembre, a fait voter par le conseil municipal une délibération tendant à faire disparaître le nom de l’ancien chef suprême de l’OAS d’un espace au centre duquel son prédécesseur avait fait dresser un monument à la gloire de l’Algérie française.

à l’attention de Madame Eveline Lavaure-Cardona, Maire de Saint-Seurin- sur-l’Isle

Chaville, 16 octobre 2020.

Madame le Maire,

Peu après votre victoire du 28 juin contre votre prédécesseur, vous avez déclaré : « J’ai détrôné le plus vieux maire de France, c’est un peu ma fierté. »

J’ai appris hier que, par délibération 2020-047 en date du 24 septembre et sur votre proposition, la commune de Saint-Seurin-sur-l’Isle avait décidé de modifier la dénomination d’une place dédiée à un chef d’organisation terroriste, le général félon Raoul Salan [1].

Au nom des veuves et descendants des quelque 2 700 victimes de l’OAS ainsi que des victimes survivantes, je tiens à vous exprimer la double fierté qui est nôtre de vous savoir à la tête de la municipalité en lieu et place d’un élu profondément antirépublicain et de vous voir poser un acte fort de réhabilitation de l’image de Saint-Seurin-sur-l’Isle.

Grâce à vous, sur une place devenue square, le nom de William James Jackson va se substituer à celui de l’une des figures les plus controversées de la guerre d’Algérie qui, lors de son procès en mai 1962, déclarait : « Il est […] exact que l’O.A.S. a revendiqué des attentats. Aucun d’entre eux ne saurait lui être reproché. »

Grâce à vous, j’espère ne plus avoir à implorer (en vain) le représentant de l’État dans le département de prévenir – ou, à défaut, faire constater et signaler à l’autorité judiciaire – des faits d’apologie du terrorisme à l’occasion de manifestations commémoratives de la fusillade du 26 mars 1962 rue d’Isly à Alger (cf. pièce jointe à titre d’exemple).

Grâce à vous, nul n’aura plus à assister au pitoyable spectacle de la présence et de la prise de parole de Marcel Berthomé au côté de l’actuel Président de la République comme tel fut le cas le 1er mars 2019, à Bordeaux, dans le cadre du Grand débat avec des maires de Gironde [2].

Le temps pourrait venir où vous découvrirez que la double stèle célébrant, place du général Salan, les crimes de l’OAS et honorant la mémoire de leurs auteurs et complices a été édifiée sans le moindre fondement réglementaire et qu’elle peut par conséquent être, sans formalisme excessif, soit transférée sur un site privé, soit remplacée par un monument rendant hommage à l’ensemble des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie.

Je vous prie de croire, Madame le Maire, à l’assurance de ma respectueuse considération.

Jean-François Gavoury


23 NOVEMBRE 2020

Jean-François Gavoury engage à titre personnel une démarche auprès de Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, tendant à l’attribution de la mention « Mort pour la France » aux victimes civiles de l’OAS et, en premier lieu, aux six dirigeants des centres sociaux éducatifs en Algérie assassinés par l’OAS  le 15 mars 1962 :

________________________________________

[1] Cf. https://www.algeriepatriotique.com/2020/10/15/le-criminel-de-guerre-raoul-salan-tombe-une-seconde-fois-a-saint-seurin-sur-lisle et https://ripostelaique.com/saint-seurin-sur-lisle-en-gironde-a-debaptise-la-place-general-salan.html

[2] Cf. https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/03/01/grand-debat-avec-des-maires-de-gironde (de 18’40 à 26’15).

Madame la directrice générale,

L’OAS a fait de mon père sa première victime au sein de la fonction publique de l’État : c’était le 31 mai 1961 (à 23h30) à Alger.

Le 3 juin 1961, le commissaire principal André Bardou et le commissaire Robert Schwab (Brigade mobile mixte de la police judiciaire) transmettaient au juge d’instruction d’Alger une note ainsi libellée (extraits) :

« Des constatations et des premiers éléments de l’enquête, il ressort que le crime a été commis en raison de l’attitude ferme manifestée par ce fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions et particulièrement pour maintenir l’ordre à Alger et réprimer les troubles provoqués par les organisations subversives activistes.

« On peut donc estimer que cet homicide est le fait d’une bande armée en relation avec les insurgés du mois d’avril 1961. ».

Le 1er décembre 1961, la mention « Mort pour la France » a été portée en marge de l’acte de décès de mon père, en vertu des dispositions de l’article 21 de la loi n° 55-356 du 3 avril 1955 relative au développement des crédits affectés aux dépenses du ministère des anciens combattants et victimes de la guerre, pour l’exercice 1955.

En voici la retranscription, telle qu’extraite de la page 3357 du Journal officiel de la République française :

Art. 21. – L’article L 488 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre est ainsi complété : « 12° De tout membre des forces armées françaises, de la gendarmerie, de la garde mobile, des compagnies républicaines de sécurité, du service d’ordre, ou des éléments, engagés ou requis, tombé en service commandé à l’occasion des mesures de maintien de l’ordre sur les territoires de l’Union française situés hors de la métropole et dans les Etats protégés par la France ».

Par décret n° 56-1032 du 12 octobre 1956, avait été créée la médaille commémorative des opérations de sécurité et de maintien de l’ordre en Afrique du Nord. L’article 2 de ce texte précisait :

Art. 2. – Cette médaille sera accordée aux militaires des armées de terre, de mer et de l’air ayant participé, pendant quatre-vingt-dix jours au moins dans une formation régulière ou supplétive, aux opérations de sécurité et de maintien de l’ordre :

En Tunisie depuis le 1er janvier 1952 ;

Au Maroc depuis le 1er juin 1953 ;

En Algérie depuis le 31 octobre 1954.

[…]

Ces citations, à elles seules, tendraient à démontrer combien la notion de belligérance peine à s’appliquer aux événements d’Algérie, comme – plus généralement – aux « opérations effectuées en Afrique du Nord », érigées en « guerre d’Algérie ou combats en Tunisie et au Maroc » par la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999.

À supposer cependant que le concept de belligérance puisse ou doive prospérer, quelle serait la légitimité d’une distinction entre FLN et OAS au regard de l’état de participant au conflit armé en Algérie dès lors que :

– comme le FLN, l’OAS s’en est prise d’abord aux signes et aux symboles d’un État français honni et a eu recours, pour les atteindre, aux techniques et méthodes du terrorisme ;

– les attentats du FLN et de l’OAS ont visé tant des Européens que des Algériens ;

– FLN et OAS ont en commun d’avoir été combattus par les forces de l’ordre françaises ;

– même la composition de ces organisations, constituées à la fois de combattants et de non-combattants, les assimile l’une à l’autre ?

Par ailleurs, depuis 1954 jusqu’à 1962, les institutions de la République se sont refusées à voir un état de guerre dans les violences en Algérie, se bornant à mettre en œuvre des mesures exceptionnelles en réponse à des situations de désordre et de rébellion.

Je suis, Madame la directrice générale, fier d’être le fils d’un commissaire de police reconnu « Mort pour la France ». Cela a orienté mes choix de vie et carrière, et je suis fier d’avoir reçu comme lui la médaille d’honneur de la police nationale, au service de laquelle je suis entré en qualité d’officier de police le 1er octobre 1970 sur dispense d’âge : j’avais alors moins de vingt-et-un ans.

Mais je ne tire aucune gloire de cette double qualité de pupille de la Nation et d’orphelin de guerre qui fait de moi le ressortissant d’un établissement public dont je conteste l’attitude négative à l’égard des victimes civiles de l’OAS, traitées comme des victimes collatérales de la guerre d’Algérie et, comme telles, exclues du bénéfice de la mention « Mort pour la France ».

MM Serge Drouot et Jean-Philippe Ould Aoudia, présidents des associations EGAL et Marchand-Feraoun, ont porté à ma connaissance la teneur des courriers dont vous les avez rendus destinataires respectivement les 20 mai et 17 novembre.

Me mettant à leur place, j’ai éprouvé gêne pour l’un et ressenti quelque humiliation pour le second.

Comment peut-on, en effet, exciper du fait que l’OAS n’était pas partie belligérante pour écarter du droit à cet hommage des magistrats, des élus, des enseignants, des fonctionnaires assassinés par cette organisation ?

Savez-vous, Madame la directrice générale, qu’un tract émanant de l’OAS (Secteur Orléans Marine), le 20 mars 1962, appelait les « forces de l’ordre, gendarmes mobiles, CRS et unités de quadrillage » à s’abstenir de toute action dans un quartier d’Alger, laissant « 48 heures de réflexion » aux « officiers, sous-officiers et soldats qui, à partir du jeudi 22 mars 1962, à 0 heure, seraient considérés comme des troupes au service d’un gouvernement étranger. »

Proclamer qu’à l’issue d’un ultimatum adressé à notre armée, tout soldat français serait un soldat ennemi, ne ferait pas de l’OAS un belligérant ? Faire mitrailler par ses commandos, le 23 mars, un camion militaire égaré dans Bab el Oued et causer ainsi la mort de six jeunes appelés du contingent ne constituerait pas un acte de guerre dirigé contre la France ?

Quelle que soit la manière de l’aborder – autrement dit, belligérance ou pas -, le motif de discrimination visant les victimes civiles de l’OAS ne tient pas, ne tient plus.

Sachant la valeur qui s’attache à un avis consultatif (non publié) du Conseil d’État, invoquer, comme vous le faites, Madame la directrice générale, la « compétence liée » peut – et je le regrette ! – donner matière à la suspicion pesant parfois sur une administration qui tarderait à se départir de sa soumission au lobby algérianiste : ce lobby au sein duquel on qualifie si volontiers, y compris publiquement, les cibles de l’OAS de « traîtres à la patrie » ; ce lobby si prompt à solliciter des financements publics ne serait-ce que pour pouvoir élever des mausolées à la mémoire d’assassins de serviteurs de l’État républicain.

Je n’attends rien de vous me concernant, Madame la directrice générale : j’ai obtenu beaucoup de mon ancien ministère d’appartenance, en particulier une promotion dans l’Ordre national du mérite, en 2016, en référence à ma qualité de président d’une association mémorielle !

Mais si j’interviens auprès de vous, à titre strictement personnel, c’est pour vous dire que l’inouïe complexité de la guerre d’Algérie exige, dans le traitement de ses victimes, justice et équité : c’est pourquoi vous ne sauriez vous cantonner à dire non à vos interlocuteurs sans les assurer de votre disponibilité à leurs côtés en vue de faire aboutir leur démarche ni même leur exprimer un peu de sympathie.

Il faut qu’au moins en un premier temps, chacun des six dirigeants des centres sociaux éducatifs en Algérie abattus par l’OAS le 15 mars 1962 accède, quoiqu’il en coûte, au statut de Mort pour la France : faites droit, je vous en prie, à la requête de MM Drouot et Ould Aoudia. À défaut, faites-leur part des voies et moyens d’y parvenir.

Il me sera alors possible de renouer avec la confiance en un Office acquis à la neutralité.


30 NOVEMBRE 2020

En réponse à sa lettre du 23 novembre, Jean-François Gavoury est rendu destinataire du courrier ci-après par la directrice générale de l’ONAC-VG :

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5 DÉCEMBRE 2020

Jean-François Gavoury renouvelle sa démarche auprès de Mme Véronique Peaucelle-Delelis, mais cette fois au nom de l’association :

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Siège : Maison de la vie associative et citoyenne du 11e arrondissement 8, rue du Général Renault 75011 Paris
Adresse postale : 7 rue des Petits Bois 92370 Chaville
www.anpromevo.com – Mél. : anpromevo@noos.fr – Cel. : 06 14 79 95 02
Association déclarée à la préfecture de police le 7 avril 2006

Le président

5 décembre 2020

Madame Véronique Peaucelle-Delelis
Directrice générale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre
Hôtel national des Invalides
129, rue de Grenelle
75700 PARIS 07 SP

Madame la directrice générale,

Le 23 novembre, je me suis adressé à vous en qualité de ressortissant de l’établissement placé sous votre autorité au sujet de l’apposition de la mention « Mort pour la France » sur l’acte de décès de six enseignants assassinés par l’OAS le 15 mars 1962 à Alger.

En cette journée nationale d’hommage « aux morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie, c’est en tant, cette fois, que représentant d’une association de victimes de l’OAS que je réponds à votre correspondance du 30 novembre, reçue hier.

J’ai été davantage sensible à la tonalité de notre échange téléphonique de ce même 30 novembre qu’aux termes de la lettre en question. Mais vous aviez, il est vrai, pris la précaution de m’indiquer que vous étiez dans l’empêchement de vous affranchir de cet avis du Conseil d’État remontant à près de dix-huit ans et dont je ne cesse de contester le bien-fondé.

L’affirmation de votre impartialité, la qualification que vous donnez aux actes commis par l’OAS et l’attention dont vous témoignez à l’égard des victimes de cette organisation (qui – j’y insiste – a pris une part active à un conflit armé non international) sont les signes tangibles d’une évolution dans le discours de l’ONAC.

Celui-ci apparaît en phase avec le propos de Madame la Ministre de la transformation et de la fonction publiques tenu le 20 novembre en l’Hôtel de Rothelin-Charolais, si proche de l’Hôtel national des Invalides que vous semblez l’avoir entendu :

Saluer la mémoire de ces hommes, inspecteurs de l’Éducation nationale, prend évidemment cette année une résonance toute particulière quelques semaines après le lâche assassinat de Samuel Paty.

Il portait des valeurs et une éthique auxquelles nous sommes nombreux à croire que nous sommes nombreux à défendre :

Humanisme, dévouement, transmission.

Ces valeurs étaient au cœur de l’action et de l’engagement de Max Marchand, Mouloud Feraoun et leurs compagnons.

Victimes de la violence, de l’intolérance et de la haine, eux qui prônaient l’amitié entre les peuples, le respect et la compréhension mutuels.

Nous savons vous et moi, Madame la directrice générale, que la guerre d’Algérie ne peut demeurer plus longtemps irréconciliée, que la reconnaissance des victimes de l’OAS constituera une contribution déterminante à l’égalité des mémoires, que l’équité mémorielle fait société.

C’est dire combien mon association compte sur votre entremise en ce sens.

Je vous prie de bien vouloir accepter, Madame la directrice générale, l’expression de ma respectueuse considération.

[1] N’a pas été mentionnée, dans cette liste, la déclaration télévisée du ministre de l’intérieur Roger Frey, le 10 mars 1962 à 20h00, quelques heures après un attentat meurtrier de l’OAS commis devant le siège du congrès du « Mouvement de la paix » à Issy-les-Moulineaux (cf. https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caf90005846/declaration-de-roger-frey).