Actions 2015
RAPPORT MORAL ET D’ACTIVITÉ 2015
présenté à l’assemblée générale du 17 mars 2016
à Paris-13e par le président de l’ANPROMEVO,
assisté de la trésorière
2 janvier 2015 : Dans son message de vœux, le président de l’ANPROMEVO évoque en tout premier lieu le souvenir des personnes disparues au cours de l’année précédente dont la vie même et les témoignages ont constitué des vecteurs de transmission, nous apprenant à œuvrer pour toujours plus de justice et de vérité : le 23 février, Giselle Ould Aoudia, la dernière veuve de victime que comptait l’association ; le 22 mars, l’historien et militant citoyen Jean-Luc Einaudi ; le 4 septembre, Gilbert Bergeron, un adhérent discret, mais au passé éloquent ; le 14 septembre, l’ancien résistant, commissaire divisionnaire honoraire de la police nationale et historien Jacques Delarue ; le 1er novembre, Guy Fischer, qui, alors sénateur du Rhône, manifesta son soutien – exceptionnel de conviction – à la cause de la mémoire des victimes de l’OAS en leur dédiant rien de moins qu’une proposition de loi le 7 juillet 2010 et rappela, lors de sa déclaration devant la Haute Assemblée le 8 novembre 2012, la démarche entreprise par notre association « pour que ne soit pas occultée la responsabilité de l’OAS dans les événements de l’après-19 mars et pour que les nostalgiques, revanchards et autres tenants de l’Algérie française ne réécrivent pas impunément l’histoire et n’érigent pas des mausolées aux bourreaux. ». Par ailleurs, après avoir rappelé les résultats heureux obtenus en 2014 (ex : habilitation ministérielle à ester en justice ; dévoilement par Mme Laurence Théry, maire du Touvet, d’une plaque apposée sur le monument aux Morts du cimetière communal en l’honneur et à la mémoire des victimes des actes terroristes commis par l’OAS), Jean-François Gavoury dit envisager 2015 comme une année aussi dense que les précédentes, au cours de laquelle la vigilance ne devra connaître aucun relâchement, tant les acquis apparaissent fragiles (par exemple à Alençon) et tant les provocations sont nombreuses (Béziers en étant la plus récente et sombre illustration).
3 janvier 2015 : Alençon – Hommage à la mémoire d’Alfred Locussol à l’occasion du 53e anniversaire de son assassinat par l’OAS. Quelque 35 personnes se sont réunies autour de la stèle commémorative érigée depuis le 6 octobre 2012 à proximité de la maison où Alfred Locussol a été lâchement assassiné, à Alençon, le 3 janvier 1962, sous les yeux de sa sœur, par deux membres de l’OAS, des tueurs à gages qui, six mois après, ont répondu de ce crime odieux devant la cour d’assises de l’Orne. L’hommage s’est déroulé en présence notamment de M. François Tollot, maître de cérémonie, et a comporté un double dépôt de gerbes (cf. photo ci-dessus), suivi de plusieurs prises de parole :
– celle de Mme Annie Pollet, qui a présenté les excuses, en particulier, de la famille, dont l’un des messages a été lu, émanant le 31 décembre de Mme Alexandrine Brisson. Faisant allusion aux actes de vandalisme et profanation ayant frappé la stèle, la petite-nièce d’Alfred Locussol y déclarait : « Je salue tous ceux qui ne désarment pas devant l’imbécilité et la haine. J’espère qu’ils se portent le mieux possible malgré ce monde injuste qui bafoue les humains … à l’heure où nous devrions danser sur le malheur. ».
– celle de M. Pierre Frénée, qui a souligné la difficulté de progresser dans l’écriture de la biographie d’Alfred Locussol, à défaut d’accès à l’ensemble des archives publiques ou privées le concernant.
– celle de Mme Sylvie Gourlaouën-Couton, qui, au nom de la Ligue des droits de l’Homme, a rappelé les mécanismes de la montée des extrémismes.
– celle, enfin, reproduite ci-après (extraits), de Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS : « Rappelons d’abord ce qu’évoque cette stèle, si juste et si nécessaire, au-delà même du courage et de la détermination de celles et de ceux qui en ont conçu, réalisé et sans cesse recommencé le projet. Ce que représente ce morceau de granit, c’est la mémoire : la mémoire d’une victime d’une organisation idéologiquement criminelle, barbare et d’une extrême lâcheté dans ses actes. Une organisation instigatrice d’un coup d’État, d’une insurrection, d’actes de sédition armée dirigés contre un Gouvernement légitime et contre la Nation elle-même.
« Françoise Nordmann, membre du conseil d’administration de l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons », et moi, nous sommes venus vous accompagner dans cette démarche du 53e anniversaire au nom de la mémoire d’un fonctionnaire de l’État assassiné à deux pas d’ici par une OAS étendant sa violence depuis l’Algérie jusqu’à la métropole. Au nom, aussi, de la mémoire de milliers de victimes directes et indirectes d’agissements criminels ineffaçables qui ont tué, mutilé, traumatisé. Parmi ces victimes indirectes, celles de Paris, le 8 février 1962, dont je porte également le souvenir en tant que membre du conseil d’administration du « Comité Vérité et Justice pour Charonne ».
« Sachons rappeler que l’OAS a enfanté, et que la bête immonde du fanatisme s’incarne dans des actes de gestion municipale qui ne doivent rien au seul symbolisme : c’est le cas à Béziers, avec Robert Ménard, qui a profité du calendrier de l’Avent pour opposer la célébration du putsch à celle de la paix.
« Merci, Alfred Locussol, de réunir aujourd’hui, autour de vous, des femmes et hommes de paix. »
La presse locale (Ouest France, L’Orne Hebdo) a rendu compte de l’événement.
8 janvier 2015 : Dans un billet relayé par l’ANPROMEVO ayant pour titre « Je suis Charlie », Delphine Renard, victime du terrorisme de l’OAS en février 1962, s’exprime en ces termes : Le massacre à la rédaction de « Charlie-Hebdo » : l’assassinat de Jaurès, multiplié par douze, et soi-disant pour venger Allah ou Mahomet. Combien se vérifie l’ancienne couverture du journal, représentant le prophète écrasé de désespoir et s’exclamant : « C’est dur d’être aimé par des cons ! » La France est l’un des rares pays du monde à avoir conquis, à prix de sang, la liberté de penser, de parler, de dessiner, d’écrire. C’est tout récent, à peine plus de deux siècles, et encore. La terreur ne doit pas passer. Nous constatons, devant ces cadavres, ces douilles et ces témoins sidérés, à quel point cette liberté est fragile. L’humour est ce qui manque totalement aux barbares, incapables de laisser exister le moindre écart entre le mot et la chose, entre eux et les autres, incapables de répondre en argumentant plutôt qu’en tuant. Plus que jamais, je veux donc écrire, m’unissant à tous ceux qui, rassemblés dans diverses villes de France, ont brandi des crayons en guise d’armes. Écrire, y compris des fictions. Car il ne faut pas s’y tromper. Hier, ce sont des caricaturistes politiquement engagés qui ont été abattus. Mais les totalitaristes abhorrent autant l’art abstrait : souvenons-nous de la chasse à « l’art dégénéré » pendant la montée du nazisme. Peindre de pures taches de couleur, écrire des histoires, c’est donner corps à un univers singulier, une sensibilité individuelle, une fantaisie affranchie du « bien-penser » et des langues de bois. Ces échappées de l’esprit seront toujours intolérables aux brutes malfaisantes qui tentent d’écraser toute vie de la pensée avec l’alibi de leur « religion ». Socrate a été empoisonné alors qu’il aidait chacun à accoucher de lui-même. Des livres sont brûlés en place publique à chaque retour de l’intolérance… Alors je prends la plume, depuis ce nom que j’endosse en fraternité avec toute une population en état de choc : « je suis Charlie ».
20 janvier 2015 : Dans un courriel d’alerte intitulé « LA MÉMOIRE PROFANÉE DE JEAN MOULIN », Jean-François Gavoury déclare :
» Comme s’il brisait de ses mains la plaque apposée sur la maison qui vit naître Jean Moulin le 20 juin 1899 au 6 de la rue d’Alsace à Béziers, Robert Ménard a osé assimiler Hélie Denoix de Saint Marc à cette grande figure de la République française, ce héros national, panthéonisé, érigé en exemple par les défenseurs des principes et valeurs démocratiques. C’est dans la dernière édition (n° 5/janvier 2015) du Journal de Béziers – dont il est le directeur de publication – qu’il l’a fait, à la fin d’un article de deux pages consacré au projet de la municipalité de débaptiser la rue du 19 mars 1962 en vue de lui substituer le nom de l’officier putschiste, tristement célèbre. Et c’est en ces termes qu’il a établi le rapprochement : « Que la ville de Jean Moulin honore la mémoire de cet éternel résistant, quoi de plus logique ? »
Il s’agit là d’une atteinte caractérisée à la mémoire de la personnalité de la Résistance la plus connue en France, son incarnation même aux côtés d’autres personnages tels que le général de Gaulle, Germaine Tillion ou Raymond Aubrac : le procureur de la République de Béziers aurait la faculté de se saisir de ce délit de presse, mais les institutions d’anciens combattants, le Cercle Jean Moulin et l’Association du corps préfectoral et des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur peuvent intervenir dans le même sens auprès du tribunal de grande instance.
Mettre sur le même plan Jean Moulin et Hélie Denoix de Saint Marc relève du révisionnisme. C’est l’expression à la fois la plus indigne et la plus belliqueuse de cette même idéologie qui tend à la réhabilitation de Vichy, engendre le communautarisme, incite à la haine et propage des théories conspirationnistes et falsificatrices.
Le temps n’est plus à la constatation hébétée ni à la vaine dénonciation des dérives, transgressions et provocations du nouveau maire de Béziers : l’actualité souligne l’importance qui s’attache à ce que les cours et tribunaux mettent Robert Ménard hors d’état de nuire davantage à une concorde citoyenne dont la fragilité est patente tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de sa commune !
22 janvier 2015 : Rencontre au 37 rue de Bellechasse à Paris-7e entre l’ANPROMEVO et M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire auprès du ministre de la défense. L’objet consiste en l’examen des modalités d’une reconnaissance par l’État des victimes de l’OAS. Jean-François Gavoury est accompagné de Mme Sylvie Vauzelle, née Fauvet, victime (survivante) d’un acte terroriste de l’OAS commis le 15 février 1962 au domicile de ses parents à Paris, ainsi que de M. Michel Lambart, vice-président de l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons ». Les propositions présentées sont les suivantes :
I] Apposition, en retrait et sur la partie droite du Mémorial national de la guerre d’Algérie présent quai Branly à Paris-7e, d’une stèle en symétrie de celle, inaugurée le 5 décembre 2006, supportant une plaque revêtue de l’inscription suivante : « La nation associe les personnes disparues et les populations civiles victimes de massacres ou d’exactions commis durant la guerre d’Algérie et après le 19 mars 1962 en violation des accords d’Évian, ainsi que les victimes civiles des combats du Maroc et de Tunisie, à l’hommage rendu aux combattants morts pour la France en Afrique du Nord. » Cette stèle, dédiée aux victimes de l’OAS, serait surmontée d’une plaque ainsi libellée (à titre d’exemple) : « La France reconnaît les souffrances subies par l’ensemble des victimes civiles et militaires des crimes de guerre, attentats et exactions commis par l’Organisation armée secrète (OAS) ou en son nom, en Algérie et en France, en 1961 et 1962. »
II] Adjonction, après recueil de l’accord des familles concernées lorsque des descendants sont connus, de la mention Mort pour la France sur l’acte de décès :
a) des personnes qui ont (inexplicablement) été privées de cette reconnaissance (militaires, membres des forces de l’ordre, en application des dispositions de l’article L. 488-12° du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre) ;
et, à titre honorifique
b) des personnes que leur statut de serviteur loyal de l’État républicain (magistrats, enseignants, fonctionnaires, …), d’élu ou de préposé à une mission de service public ou d’intérêt général resté fidèle aux institutions a désigné à la vindicte de l’OAS ;
c) de toute personne, membre de la société civile, décédée consécutivement à des actes de violence constituant une suite directe de faits de guerre (article L. 488-9° du code précité et jurisprudence Paul Teuma, Cour d’appel de Rennes, 15 octobre 2013).
II bis] Inscription, sur la colonne centrale (blanche) du Mémorial du quai Branly dédié aux Morts pour la France en AFN, du nom des personnes visées ci-dessus en b et c, qu’elles aient été rendues bénéficiaires du dispositif ou non (jurisprudence Falco, 26 mars 2010), le défilement des noms retenus et classés par ordre alphabétique étant précédé du message suivant : Victimes de l’OAS en Algérie et en France (1961-1962).
III] Insertion, dans tout nouveau projet de loi antiterroriste, de dispositions tendant à prévenir l’apologie de l’OAS et la diffamation ou l’injure dirigée contre la mémoire des victimes de l’OAS:
1 – article 3 de la proposition de loi n° 618 enregistrée à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2010 et de la proposition de loi n° 3130 enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2011 fixant la destination du Mémorial national de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie et relative à la mémoire des victimes de l’OAS (Organisation armée secrète).
IV] Dépôt de gerbe par M. Jean-Marc Todeschini, le mardi 6 octobre 2015, au cimetière du Père Lachaise devant le Mémorial dédié aux victimes de l’OAS par la Ville de Paris depuis le 6 octobre 2011 (contribution à la consécration de la date du 6 octobre pour l’hommage aux victimes de l’OAS).
V] à titre subsidiaire, intervention du représentant de l’État dans le département de l’Hérault à l’appui du recours dirigé, à titre personnel, par Jean-François Gavoury, le 30 décembre 2014, contre la délibération du conseil municipal de Béziers en date du 11 décembre relative au changement de la dénomination de la rue du 19 mars 1962 à laquelle serait substitué le nom du commandant Hélie Denoix de Saint Marc.
4 février 2015 : Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS et Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons », interviennent successivement lors du colloque organisé à l’Hôtel de Ville de Paris, sur le thème « Guerre d’Algérie : Savoir et Transmettre », par la Commission Mémoire-Histoire de la FNACA à l’occasion de son 30e anniversaire. Leurs propos respectifs sont reproduits ci-après :
« Les victimes de l’OAS sont restées dans le silence des décennies durant, y compris lors de la publication des lois d’amnistie et de réhabilitation visant les criminels de cette organisation, y compris lorsque le gouvernement a dépêché l’un de ses membres en juin 1980 pour présider, à Toulon, une cérémonie d’inauguration d’un monument érigeant en martyr et héros le chef des commandos Delta de l’OAS, Roger Degueldre.
Les victimes de l’OAS n’ont pas voulu ni su faire acte de transmission parce que cette inversion des valeurs incarnées par la République elle-même le leur interdisait : comment ne pas avoir honte d’être apparenté à la victime, eût-elle été citée à l’ordre de la Nation et reconnue « Mort pour la France », d’une organisation se réclamant de la résistance de l’Algérie française ? Comment revendiquer le moindre droit à la parole lorsque, âgé(e) de quatre à cinq ans, on a survécu à un attentat dont les auteurs peuvent rendre compte à tour de pages et de déclarations sans être inquiétés ?
Le premier, probablement, à avoir osé publier sur un crime de l’OAS resté impuni, non pour s’en targuer mais au contraire pour en relater les circonstances et en dénoncer l’ignominie, est Jean-Philippe Ould Aoudia, avec L’assassinat de Château-Royal. Et c’est avec lui, avec son association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, avec la FNDIRP que l’Anpromevo est née, en février 2006, après que nous soyons trouvés, alertés par un retentissant projet d’hommage public à l’OAS sous la forme d’une énième stèle, à Marignane cette fois, porté par des anciens activistes et appuyé par un maire issu du Front national.
Et c’est un nouveau maire extrémiste, à Béziers, qui entend débaptiser une rue du 19 mars 1962 pour lui donner le nom d’un officier putschiste, Hélie Denoix de Saint Marc.
À titre personnel je ne le laisserai pas faire pour plusieurs raisons :
– la première, la fidélité : la fidélité à la mémoire de Guy Fischer, qui cita mon père et me cita en séance du Sénat consacrée à la présentation de la proposition de loi tendant à faire du 19 mars la journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes de la guerre d’Algérie ;
– la seconde raison : la fidélité à l’égard de M. Bertrand Delanoë, de Mmes Anne Hidalgo et Catherine Vieu-Charier, de la FNACA, de l’ARAC et de toutes les associations amies de l’Anpromevo qui ont permis qu’un certain 6 octobre 2011, sur un remarquable emplacement du cimetière du Père-Lachaise, un Mémorial soit élevé pour rendre témoignage du sacrifice des militaires, des civils, des élus, des magistrats, fonctionnaires, enseignants tombés au service de la République sous les coups d’une « organisation idéologiquement criminelle et, dans ses actes, barbare« ;
– une autre raison tient à la relative facilité de la contestation de ce projet de la commune de Béziers devant une juridiction administrative, saisie par mes soins dans les trois semaines suivant la délibération du conseil municipal du 11 décembre.
Dois-je ajouter que le silence n’est plus de mise parmi les victimes de l’OAS, dont l’association a été l’objet d’un acte de reconnaissance officiel l’an dernier, puisqu’une décision de Kader Arif en a fait la 50e association d’anciens combattants et victimes de guerre habilitée à ester en justice ?
Et puis-je conclure en affirmant que, si la FNACA appelle à un contre-rassemblement républicain à Béziers le 14 mars à 14 h30 pour s’opposer à ce que la plaque portant la date du 19 mars 1962 soit déboulonnée et remplacée par une autre célébrant le putsch auquel les appelés ont refusé de se rallier en avril 1961, je serai à ses côtés comme je l’ai été pour la reconnaissance du 19 mars ? »
Jean-François Gavoury
Discours de M. Philippe Ould Aoudia :
« La présence à la même tribune de deux fils de victimes de l’OAS est un symbole fort :
– Jean-François Gavoury, fils de Roger Gavoury, commissaire central d’Alger et premier responsable de l’ordre public assassiné par les terroristes de l’OAS le 31 mai 1961, est président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS,
– moi-même, fils de l’un des six inspecteurs des Centres sociaux éducatifs assassinés collectivement le 15 mars 1962 à El Biar, sur leur lieu de travail et dans l’exercice de leur mission d’éducation, je préside l’association >Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons ».
Si elles travaillent sur des terrains différents, nos deux associations sont complémentaires et profondément solidaires.
Un inspecteur d’académie de Saint-Nazaire qui n’avait jamais été en Algérie et qui ne connaissait aucune des six victimes a créé, il y a une vingtaine d’années, notre association pour que l’œuvre pédagogique et littéraire de ses collègues enseignants ne tombe pas dans l’oubli.
Il me parait utile de rappeler les circonstances du crime, car elles entrent en résonance avec le massacre du 7 janvier 2015 à Paris. Même si « Un crime n’en vaut pas un autre, [si] chaque crime a sa figure » comme l’avait écrit François Mauriac après celui commis par l’OAS, l’un et l’autre présentent de sinistres similitudes.
À commencer par le procédé pour tuer. À Alger, un commando de six tueurs, surarmés, entraînés et décidés avait fait irruption dans les locaux administratifs où se trouvaient réunis les principaux responsables d’un service de l’Éducation nationale qui avait pour mission de transmettre à la jeunesse algérienne les traditions les plus nobles de l’enseignement républicain. À la main, ils tenaient un stylo.
Le 15 mars 1962, six noms inscrits sur une petite feuille furent appelés parmi les dix-huit présents dans les bureaux des Centres sociaux. Les six victimes furent alignées devant un mur à l’extérieur de la salle et mitraillées, puis achevées par des coups de grâce.
Une minute de silence fut respectée dans tous les établissements scolaires après la lecture d’un message du ministre de l’Éducation nationale de l’époque. Il y eut le refus de la part d’élèves d’honorer la mémoire des six enseignants, comme ce fut le cas en janvier dernier.
Le crime de l’OAS répond aux trois critères qui définissent le crime fasciste :
– il a une motivation idéologique, d’où le choix de victimes ciblées ; il ne s’agit pas d’un attentat aveugle ;
– il a un côté spectaculaire, destiné à montrer le jusqu’au-boutisme de ceux qui l’ont commis ;
– il est hors norme, pour créer un climat de terreur.
Dans sa Une, « Le Monde » du 19 mars 1962 reproduisait un article de Germaine Tillion sous le titre « La bêtise qui froidement assassine », qualifiant les terroristes de l’OAS de « singes sanglants qui font la loi à Alger ».
Ces singes sanglants n’ont pas fait la loi à Alger puisque l’Algérie a été indépendante. Les singes sanglants qui veulent faire la loi à Paris ne la feront pas non plus.
Mais il est encore d’anciens criminels de l’OAS dans leur toute puissance, tels Gabriel Anglade, l’un des six tueurs du 15 mars 1962, qui a été adjoint au maire de Cagnes-sur-Mer pendant quatorze ans[1]. Ces gens-là sont à la manœuvre pour réécrire l’histoire, comme cela sera le cas le 14 mars prochain à Béziers, où un officier putschiste est comparé à Jean Moulin et où une rue portera le nom d’un traitre à la République à la place de la date du 19 mars 1962.
Notre association publie une revue, « Le Lien », dont la qualité lui vaut d’être inscrite au catalogue international des revues. Elle organise chaque année, autour de la date du 15 mars, un colloque dans une ville de province où réside l’un de ses adhérents.
Le 12 décembre 2001, grâce à Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, une plaque commémorative a été apposée à l’entrée de la « Salle Marchand-Feraoun », au 101 rue de Grenelle à Paris. Après les noms et qualités des six enseignants, on peut lire : « […] assassinés dans l’exercice de leurs fonctions le 15 mars 1962 à Alger, victimes de leur engagement pour les valeurs de la République et pour l’indépendance de l’Algérie dans une relation fraternelle avec la France ».
C’est là que se déroule désormais l’assemblée générale annuelle, précédée d’un hommage aux six victimes devant la plaque commémorative.
Serge Drouot a souhaité que, chaque 19 mars, la FNACA puisse rendre hommage aux six dirigeants des Centres sociaux éducatifs. Ce fut le cas l’an dernier avec les porte-drapeau de la FNACA du 7e arrondissement. Ce sera le cas cette année encore, la ministre de l’Éducation nationale pouvant être présente en fonction de son emploi du temps.
Que Serge Drouot soit ici chaleureusement remercié. »
Jean-Philippe Ould Aoudia
25 février 2015 : Jean-François Gavoury appelle les membres et amis de l’ANPROMEVO à signer une pétition en ligne (www.petitions24.net) intitulée « Sauvons le nom de la rue du 19 Mars 1962 à Béziers » lancée localement par le Mouvement de la Paix. Le texte de cette pétition (qui recueillera au total près de 3.900 signatures) est le suivant :
« Pour Robert MENARD, maire de Béziers qui se proclame l’héritier de l’OAS par l’action de son père, il s’agit de supprimer le nom d’une date de paix, le « 19 mars 1962 », pour donner à la rue le nom de Hélie Denoix de Saint Marc, qui a été condamné par la justice française. Ce commandant a été actif lors du « putsch du quarteron des généraux » du 21 avril 1961, avorté par la mobilisation des soldats du contingent et par le général de Gaulle. Au moment où les relations franco-algériennes s’apaisent, où en France, il est plus que jamais nécessaire de réconcilier les mémoires des Anciens d’Algérie qu’ils soient pro ou anti Algérie française, des Appelés qui ont été engagés dans cette guerre, des descendants des « Musulmans d’Algérie » soumis à l’infamant « Code de l’Indigénat », Disons NON au colonialisme, révisionniste et raciste! »
14 mars 2015 : L’ANPROMEVO et l’association Marchand-Feraoun sont représentées par leurs présidents respectifs ainsi que par leurs adhérents, amis et correspondants locaux lors d’un contre-rassemblement mis en place par un large collectif d’associations au moment même et sur les lieux de la manifestation inaugurale de la rue Commandant Denoix de Saint Marc. Face à un millier et demi de revanchards de l’Algérie française, d’anciens criminels de l’OAS et d’identitaires de la Ligue du Midi, ce sont quelque 600 participants, parmi lesquels des parlementaires, anciens ou en activité, qui ont exprimé de vive voix leur opposition résolue à la ligne de conduite fascisante tracée par Robert Ménard dans les rues de Béziers. Un communiqué de l’ANPROMEVO diffusé le lendemain soir rendra compte de l’événement en ces termes (extraits) :
« Aucune mesure préventive n’a été mise en œuvre, et l’autorité de l’État s’en est trouvée affaiblie : déni de la loi du 6 décembre 2012 relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie ; laissez-faire au regard d’un projet d’éloge public d’un officier militaire – putschiste – ayant trahi la République au moment même où l’on attendait de lui l’obéissance à un Gouvernement légal et à une autorité légitime.
Cette stratégie a permis, hier, à Robert Ménard de tenir – et diffuser dans le même temps sur le site Internet de la ville de Béziers – un discours allant largement au-delà de la réécriture de l’histoire, de l’apologie du terrorisme de l’OAS et de la propagande nationaliste. En effet, les limites de la xénophobie et du racisme ont été franchies, comme l’illustrent les extraits ci-après :
« […] alors qu’on obligeait un million de Français à quitter leur Algérie natale, on ouvrait la France – quasi simultanément – à des millions d’immigrés bien décidés pour certains à ne jamais se sentir, à ne jamais devenir des Français à part entière. » ;
– « Colonisation de peuplement, disait-on de la présence française en Algérie. Il faut parler aujourd’hui, en France, d’immigration de peuplement, d’immigration de remplacement. » ;
– « Il y a 50 ans, je m’en souviens, vous vous en souvenez, nous tapions sur des casseroles en scandant « Al-gé- rie fran-çaise ». Il faudrait aujourd’hui, avec la même ardeur, avec la même détermination, dire non à cette France métissée qu’on nous promet, qu’on nous annonce, qu’on nous vante. ».
La loi s’appliquera-t-elle enfin à l’encontre de ce maire que son programme politique, axé sur la propagande, s’appuyant sur la valorisation des armes et comportant même la justification de leur utilisation contre la République, apparente à un authentique fasciste ?
On peut l’espérer en considération de l’esprit républicain retrouvé avec les interventions, au cours de la journée d’hier, du Gouvernement à ses plus hauts niveaux, venu in extremis conforter les opposants à la cérémonie appelée par Robert Ménard.
Ainsi, réprouvant cette initiative, le Premier ministre a-t-il affirmé que « la nostalgie, et notamment la nostalgie de l’Algérie française, n’apportera rien de bon », le porte-parole du gouvernement déclarant quant à lui : « Avec Denoix de Saint Marc, Ménard et FN montrent leur visage : réécrire l’Histoire, mépriser la mémoire et s’en prendre à la République. Face à ceux qui cherchent à raviver les plaies du passé pour nous diviser, plus que jamais, le devoir de rassemblement s’impose. » Dans un communiqué national intitulé « Le maire de Béziers, soutenu par le FN, porte atteinte à la République », le Parti socialiste avait, de son côté, dit presque dans le même temps s’associer aux initiatives se déroulant ce samedi à Béziers contre la décision de M. Menard.
Ces positionnements ont été obtenus grâce à l’engagement et à la mobilisation, dans l’unité pour la République, d’associations nationales, régionales et locales, représentatives du monde combattant, des victimes de l’OAS, des rapatriés, des valeurs humaines et citoyennes ainsi que d’organisations syndicales et de formations politiques qui, dès l’origine, ont su voir dans l’infâme projet de Robert Ménard tant une menace au regard de l’ordre public qu’un risque de retour à la guerre, celle des mémoires, entre la France et elle-même. »
19 mars 2015 : L’ANPROMEVO est représentée aux cérémonies parisiennes commémorant l‘entrée en vigueur des Accords de cessez-le-feu en Algérie (cimetière du Père Lachaise et ministère de l’éducation nationale en matinée, Mémorial national des morts pour la France en AFN et Arc de triomphe en cours d’après-midi et soirée).
L’hommage aux Parisiens morts pour la France en AFN, devant le Mémorial qui leur est dédié au cimetière du Père Lachaise, est prolongé par un hommage à l’ensemble des victimes militaires et civiles de l’OAS, au pied de la stèle voisine, présente depuis le 6 octobre 2011. Pour la première fois, le préfet de police et le préfet de région d’Ile-de-France se joignent à la maire de Paris et aux représentants du monde combattant, FNACA en tête.
Suit un dépôt de gerbe de la FNACA à l’entrée de la salle Marchand-Feraoun en l’hôtel de Rothelin-Charolais, 101 rue de Grenelle à Paris-7e, siège du cabinet de la ministre de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Sont présents notamment M. Benoît Lemaire, chef de cabinet représentant M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la mémoire, et Mme Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’ONAC-VG, ainsi que M. Hubert Tison, secrétaire général de l’Association des professeurs d’histoire et géographie.
7 mai 2015 : Mél de Jean-François Gavoury à l’attention des adhérents, amis et correspondants de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS à l’effet de leur signaler la parution de « Deux fers au feu – De Gaulle et l’Algérie : 1961 », livre que Jean-Philippe Ould Aoudia a publié la veille dans la collection « Ces oubliés de l’Histoire » (dirigée par Michel Reynaud) des « Éditions Tirésias »
Synopsis : Tout n’a pas encore été révélé sur la conduite de la politique algérienne menée par le général de Gaulle. Parcourant l’année 1961, riche en événements, l’auteur analyse l’habileté du chef de l’État pour contourner ou bousculer les obstacles et les hommes placés sur son chemin. Des témoignages incontestables et des documents inédits nous plongent au cœur du projet élyséen de partager l’Algérie en deux entités, française et algérienne, une sorte « d’Israël pied-noir », avec ses manœuvres, ses chantages et ses intrigues qui finiront dans le sang et les larmes d’Algériens, de Tunisiens et de Français.
Ce livre se situe au cœur du conflit entre deux logiques : la raison d’État contre la recherche de la vérité au service de l’Histoire. Tel l’assassinat, par l’OAS, de six dirigeants des Centres sociaux éducatifs créés par la déportée résistante Germaine Tillion. Le lecteur découvrira avec stupéfaction la responsabilité de la délégation générale à Alger, fourvoyée avec les membres les plus bruts de l’OAS. Lire « Deux fers au feu » et ses révélations inédites et « surprenantes » est indispensable pour qui veut découvrir le fil exact des arcanes de la politique ayant mené à l’indépendance de l’Algérie.
12 mai 2015 : Colloque à l’Hôtel de Ville de Paris sur le thème de « La nostalgie de l’Algérie française et de l’OAS ». Dans le contexte de la parution du livre d’Alain Ruscio intitulé « NOSTALGÉRIE – L’interminable histoire de l’OAS » (éditions La Découverte), trois associations (« Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons », « Comité Vérité et Justice pour Charonne » et « Sortir du colonialisme ») se sont jointes à l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS pour mettre en place, avec le concours de la Mairie de Paris, une conférence-débat sur le thème de la nostalgie de l’Algérie française et de l’OAS.
Le principe et certaines modalités d’organisation en avaient été évoqués lors de l’assemblée générale de l’ANPROMEVO, le 18 mars, dans le cadre de l’examen du projet de budget pour l’année 2015. Portée dès le lendemain à la connaissance de Mme Anne Hidalgo, Maire de Paris, et de Mme Catherine Vieu-Charier, son Adjointe en charge de la Mémoire et du monde combattant, l’idée avait immédiatement retenu leur attention.
L’une des associations représentées à l’AG en question en a cependant accéléré la mise en oeuvre.
Le 16 mai, le quotidien algérien « El Watan » a rendu compte de l’événement.
Dénoncée par les associations anticolonialistes et les familles des victimes de l’OAS
Résurgence de la nostalgie de l’Algérie française
Il existe encore en France, 53 ans après l’indépendance de l’Algérie, une certaine nostalgie de l’Algérie française et des groupuscules terroristes qui l’ont défendue jusqu’au bout. C’est ce qu’ont dénoncé les participants au colloque «Résurgence de la nostalgie de l’Algérie française et de l’OAS», organisé le 12 mai, à la mairie de Paris.
Initiée par l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo), cette journée de débat a été marquée par la projection du film-documentaire « OAS, un passé très présent » de Djamel Zaoui.
Son contenu n’a pris aucune ride, sept ans après sa réalisation. Il raconte la lutte des enfants des victimes civiles et militaires de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) contre le lobbying entretenu auprès de la classe politique et des institutions étatiques par les nostalgiques de l’organisation.
Ces derniers ne ratent aucune occasion pour rendre hommage aux membres de cette organisation terroriste, ériger des stèles à leur mémoire et vanter les bienfaits du colonialisme. Dans sa communication concernant ce phénomène, l’historien Alain Ruscio explique que parmi les meneurs de ce mouvement révisionniste «on trouve des sympathisants de l’OAS, des pieds-noirs nostalgiques de l’Algérie française, des harkis et leurs enfants, etc.». Pour le conférencier, «ce sont des gens qui ont voulu bloquer l’histoire», et à défaut, «ils ont bloqué la mémoire».
L’Organisation de l’armée secrète a unifié toutes les forces de l’Algérie française. «J’ai recensé une vingtaine d’associations de pieds-noirs qui se revendiquaient de cette mouvance, et qui seront regroupées sous l’OAS. Il y a eu un millier de personnes, sur l’ensemble du territoire algérien, qui ont véritablement porté les armes. Mais l’OAS, même si cela écorche certaines oreilles, a été un mouvement de masse. Ses membres ont bénéficié de la sympathie et de la complicité d’une bonne partie de la population européenne en Algérie, et celle des cercles fascistes et nationalistes en France», a commenté l’orateur.
L’auteur de « Nostalgérie. L’interminable histoire de l’OAS » (La Découverte, 2015) est catégorique : «Des députés en exercice soutenaient l’action de l’OAS. J’ai même l’intime conviction que les cercles giscardiens étaient l’œil de l’OAS à l’intérieur du gouvernement français.» Tout ce beau monde «avait une confiance irraisonnable que l’OAS pouvait sauver et sauvegarder l’Algérie française».
À partir de ce constat qu’il partage avec son confrère, l’historien Gilles Manceron pense que la nostalgie de l’Algérie française est le résultat de «l’inexistence d’un retour critique sur l’histoire coloniale de la France et de l’Europe en général». Dans son intervention, il a d’abord accentué son propos autour de l’utilisation du discours antifasciste par la gauche française dans sa lutte contre l’OAS, à la veille de l’indépendance de l’Algérie. «Si on prend le terme fasciste dans le sens de désigner une violence extrême, utilisée contre les adversaires politiques et les civils, on peut considérer effectivement l’OAS comme un courant comparable aux autres mouvements fascistes connus. Mais si on étudie l’OAS d’un point de vue historique rigoureux, on se rend compte que sa violence n’est pas du tout la même que celles des mouvements fascistes.
C’est plutôt une «violence de milices coloniales», a souligné M. Manceron. «C’est là tout le problème, dit-il, la nostalgie de l’Algérie française relève du fait que la colonisation n’a pas été suffisamment pensée comme étant contradictoire avec les principes républicains et démocratiques.» Avant et après l’indépendance de l’Algérie, «l’État français n’a pas un réel discours politique de déconstruction de l’idéologie coloniale. Par conséquent, des courants politiques, aveuglés par les mensonges, continuent à croire aux bien-fondés de la colonisation et à la justifier», a-t-il précisé.
Il y aurait, selon Henri Pouillot qui a présenté un exposé illustré sur ce sujet, «au moins 87 stèles et rues en France métropolitaine qui glorifient l’Algérie française et rendent hommage à la mémoire des membres de l’OAS dont certains ont été exécutés par la justice française». Les participants à ce colloque ont appelé les partis politiques, particulièrement la gauche au pouvoir, à mettre un terme à cette résurgence de la pensée colonialiste en marquant une rupture claire avec l’histoire coloniale de la France.
Ghezlaoui Samir
14 mai 2015 : Reprenant la lettre ouverte que la section de Toulon de la Ligue des droits de l’Homme a adressée au sénateur-maire Hubert Falco à propos du monument « Algérie française » implanté porte d’Italie, Jean-François Gavoury écrit aux adhérents et correspondants de l’ANPROMEVO :
« Il y a trente-cinq ans, la ville de Toulon, alors dirigée par le député Maurice Arreckx, s’apprêtait à inaugurer, au pied des remparts de la Porte d’Italie, à l’entrée de la vieille ville, un imposant Mémorial dédié à l’Algérie française et à ses « martyrs », condamnés à mort et fusillés pour leur participation aux milliers de crimes et attentats terroristes commis par l’OAS en 1961 et 1962 de part et d’autre de la Méditerranée.
L’ANPROMEVO appuie la démarche de la section locale de la Ligue des droits de l’Homme engagée en début d’année – et réitérée début mai – tendant à ce que M. Hubert Falco, actuel maire de Toulon, sénateur du Var, ancien secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, fasse œuvre de vérité et de transparence en dotant ce monument controversé d’une signalétique qui en précise la genèse, la destination et l’usage. »
Lettre ouverte de la LDH de Toulon adressée à Hubert Falco, ancien Ministre, Sénateur-Maire de Toulon
Monsieur le Sénateur-Maire,
Le 3 février 2015, nous nous sommes adressés à vous pour un problème d’ordre essentiellement symbolique mais auquel nous attachons de l’importance. Il s’agit du monument de la Porte d’Italie “Aux martyrs de l’Algérie française”.
Vous n’ignorez pas les circonstances de sa mise en place suivie d’une destruction, quelques jours avant une inauguration mouvementée en 1980. Certes les tensions et les rancœurs autour de ce monument se sont apaisées, mais cette stèle fait à l’occasion l’objet de récupération politique. De fait, ce monument est devenu “historique”, il fait maintenant partie du patrimoine de la Ville.
Il n’en demeure pas moins une ambiguïté que nous souhaiterions lever. En effet, aucune explication n’accompagne cette stèle dont le message, perçu par certains comme une provocation, ne peut que susciter la perplexité des passants, touristes ou Toulonnais
C’est la raison de notre démarche : nous souhaitons en effet que soit installée à côté du monument une plaque expliquant sa signification et le contexte de sa mise en place. Cet hommage à un ancien de l’OAS ne peut selon nous rester sans explication et il ne doit pas être difficile de trouver un historien impartial qui pourrait rédiger un texte respectant les différentes mémoires de cette période au cours de laquelle notre pays s’est déchiré.
Votre réponse par un courrier du 12 mars a été pour nous une grande déception. Vous nous informiez de votre décision de ne pas suivre la voie du respect de la vérité historique, alors que vous l’aviez fait en juin 2005 à propos du “carrefour Salan”.
Certes vous déclarez « concevoir » nos « remarques », mais c’est une fin de non-recevoir que vous nous avez adressée.
Les Toulonnais sont des démocrates, respectueux les uns des autres, et cela explique que ce monument « ne suscite plus aucune manifestation hostile ». Mais vous faites erreur quand vous croyez pouvoir en déduire qu’il « ne fait plus polémique pour personne ».
Notre société est plurielle, multiculturelle. Pour vivre ensemble et éviter les communautarismes, il est nécessaire de connaitre les autres dans leurs différences : leur passé, leurs valeurs, leur culture. C’est notamment un des rôles de l’école. Aujourd’hui, les programmes officiels d’histoire abordent le thème des colonies en classe de quatrième et une partie du programme de la classe de troisième est consacrée au thème “Des colonies aux États nouvellement indépendants”. Il faut que les collégiens toulonnais puissent avoir connaissance des monuments du passé de leur ville.
Comment les Français, et particulièrement ceux qui sont d’ascendance algérienne peuvent-ils ressentir la stèle “Algérie française” de ce monument ? Il ne fera véritablement partie du patrimoine toulonnais que lorsqu’il sera compris de tous.
Le “devoir de mémoire” des uns ne peut pas s’imposer aux autres, mais le devoir de vérité s’impose à tous.
C’est pourquoi, Monsieur le Sénateur-Maire, la Ligue des droits de l’Homme de Toulon insiste et maintient sa demande d’explication historique concernant ce monument.
À Toulon, le 4 mai 2015
15 mai 2015 : Jean-François Gavoury s’adresse par courriel aux adhérents et correspondants de l’ANPROMEVO en écho au communiqué reproduit ci-après, intitulé « En finir avec la stèle OAS de Perpignan » et émanant du collectif « Pour une histoire franco-algérienne non falsifiée » :
« La stèle OAS de Perpignan continue depuis 2003 à défigurer par sa présence le cimetière du Haut Vernet. Et comme le 7 juin de chaque année, les anciens activistes de l’OAS vont tenter d’y faire irruption afin de se rendre devant ce cénotaphe pour y faire l’apologie de l’organisation factieuse.
Quand donc le maire de Perpignan cessera-t-il de nier que cette stèle érigée dans un lieu public est bien dédiée à des terroristes ?
De même qu’il refuse cette évidence, de même, en bon émule d’un Robert Ménard ou d’un Christian Estrosi, il n’admet pas que le19 mars 1962 est bien la date du cessez-le-feu de la guerre d’Algérie.
Ces provocations incessantes confortent les nostalgiques de l’Algérie française. Ils se sentent pousser des ailes, d’autant que le contexte est marqué par la montée du FN et de l’extrême droite dans toute l’Europe.
Cette année, le 7 juin tombe un dimanche, un jour qui ne peut que favoriser leur venue en nombre à Perpignan. Le risque est trop grand pour que de notre côté, anticolonialistes, antifascistes et progressistes, nous ne nous mobilisions pas de façon exceptionnelle.
Dans cette perspective, nous lançons un appel à toutes les organisations de la région qui, le 14 mars dernier, se sont retrouvées à Béziers pour dénoncer la débaptisation par le maire d’une « rue du 19 mars » pour la renommer rue du « Commandant Denoix de Saint Marc ». Pour notre part, nous étions une cinquantaine venus les soutenir, convaincus que l’opération conduite par Ménard était un signal donné aux réactionnaires de tout poil.
Le 7 juin, c’est tous ensemble qu’il nous revient de leur faire savoir qu’ils ne sont pas les bienvenus à Perpignan, que l’Algérie française n’a plus droit de cité et que le bon vieux temps des colonies est révolu.
Nous avons prévenu la préfecture que, sans attendre, nous appelions à un rassemblement avec banderoles et drapeaux dimanche 7 juin à 9h00 à proximité de l’entrée du cimetière nord. »
Le président de l’ANPROMEVO conclut son message par le commentaire suivant : « L’ANPROMEVO se félicite qu’à Perpignan, comme à Toulon et à Béziers, le combat contre un martyrologe relevant de la réécriture de l’Histoire reste d’actualité. Puisse cet appel à manifester être largement entendu : la célébration du terrorisme d’hier met aussi sûrement en péril l’équilibre de notre société que le terrorisme d’aujourd’hui. »
Finalement, le rassemblement des anciens de l’OAS fera, comme à l’accoutumée, l’objet de mesures préfectorales et municipales d’interdiction, justifiant un nouveau mél de la part de Jean-François Gavoury aux adhérents et amis de l’association :
« 8 juin 2015.
L’apologie publique du terrorisme de l’OAS n’a pu avoir lieu à Perpignan hier, 7 juin, jour anniversaire de l’exécution d’Albert Dovecar et Claude Piegts, condamnés à mort le 30 mars 1962 à la suite de leur participation à l’assassinat du commissaire central d’Alger perpétré le 31 mai 1961, dans les semaines suivant la création de l’OAS.
En quelque dix années, le mouvement de protestation contre ces cérémonies locales – avec discours – organisées à l’intérieur d’espaces dédiés au recueillement n’a nullement faibli et a même pris une ampleur telle que des mesures réglementaires en empêchent le déroulement. […].
L’expérience a largement démontré que les manifestations des ultras de l’Algérie française n’étaient plus tolérées à Perpignan, ni par l’autorité préfectorale, ni par le maire contraint à prendre un arrêté de fermeture du cimetière du Haut Vernet le 7 juin de chaque année. Afin que l’énergie des administrations puisse se recentrer sur la satisfaction des vrais besoins citoyens et pour que les familles ne soient pas privées, un jour par an, d’accès aux sépultures de leurs défunts, il apparaît plus que jamais indispensable d’en finir avec cette stèle qui occupe sans titre une parcelle du domaine public et doit trouver place sur un site privé. »
21 mai 2015 : À l’invitation du Réseau citoyen solidaire (RCSB) de Béziers, le président de l’ANPROMEVO participe à une soirée-débat organisée dans les locaux de la Cimade à l’occasion de la parution des derniers ouvrages de MM Alain Ruscio et Pierre Daum. L’événement donnera lieu, de la part des initiateurs de cette manifestation au compte rendu ci-après :
Suite aux vicissitudes qu’elle a connues, la conférence-débat, initialement prévue au théâtre du Minotaure, a finalement eu lieu à la CIMADE. Daniel Kupferstein a rappelé le climat de peur et de méfiance qui a poussé la responsable du théâtre Le Minotaure à se désister.
La conférence a réuni environ cent-vingt personnes, dont certaines venues de Sète, Montpellier, Bédarieux et même Perpignan.
En introduction, ont été présentées la nature et les activités du RCSB, Réseau Citoyen Solidaire de Béziers, point de rencontre de diverses associations et de citoyens, collectif à l’initiative de la soirée. Soirée en partenariat avec la librairie Clareton des Sources et l’association Lire et Partage.
Jean-François Gavoury, président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, modérateur de la conférence, a introduit les exposés des trois intervenants qui avaient pris place à ses côtés :
– Pierre Daum, pour son essai « Le Dernier tabou – Les Harkis restés en Algérie après l’indépendance » ;
– Alain Ruscio, pour son livre « Nostalgérie, l’interminable histoire de l’OAS » ;
– Jacques Cros, pour ses articles sur son blog http://cessenon.centerblog.net.
Pierre Daum et Alain Ruscio ont présenté un résumé de leurs livres. Jacques Cros, appelé biterrois du contingent en Algérie, a témoigné de ce qu’il avait vécu en 1962.
On a craint des débordements de la part de deux participants, mais après avoir donné la parole à l’un d’entre eux, les choses sont rentrées dans l’ordre.
Le débat qui a suivi a été très riche. Il a abordé divers aspects des problèmes : la question des Harkis et des Pieds Noirs, évidemment, mais aussi le colonialisme, les circonstances de son implantation, les responsabilités historiques, notamment d’une certaine gauche, le contexte de violences et d’atrocités de part et d’autre dans lequel l’Algérie a accédé à son indépendance, la pluralité des mémoires et des histoires, …
Une question méritait une réponse développée : pourquoi, plus de cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, voit-on resurgir des crispations et des divisions qu’on pouvait espérer éteintes ?
Calculs politiques bassement électoralistes ? Sentiments revanchards pour réécrire l’Histoire ? Relents de racisme et de xénophobie ? Volonté de réhabiliter le colonialisme ?
Les discussions se sont poursuivies autour d’un buffet proposé par Nadja Keller, accompagné du thé et des pâtisseries préparés par l’association biterroise France-Algérie : Aïcha, Brigitte et Vivianne.
Une satisfaction légitime était décelable chez tous ceux qui étaient présents à cette soirée. Une soirée à Béziers qui se voulait être un moment de réflexion fraternelle, pour celles et ceux qui sont attachés à la paix et à l’amitié entre les peuples.
3 juin 2015 : Jean-François Gavoury adresse le courriel ci-après à Mme Laurence Théry, maire du Touvet (Isère), au sujet de l’hommage à la mémoire de Claude Piegts prévu le 7 juin, dans l’enceinte du cimetière communal.
« Chère Madame le Maire,
Ce mercredi à 10 h 45, j’ai reçu un appel téléphonique d’un fonctionnaire en charge du renseignement territorial au commissariat central de Grenoble […].
Il souhaitait savoir si un contre-rassemblement était envisagé au cours de la matinée de dimanche (7 juin) en réaction à l’hommage prévu à l’intention de Claude Piegts dans l’enceinte du cimetière de votre commune.
Je lui ai répondu que l’ANPROMEVO, après avoir vu, le 6 octobre 2014, les victimes de l’OAS honorées localement d’une plaque commémorative par la municipalité du Touvet, était disposée à cesser de s’opposer à de telles manifestations n’intéressant plus, dès lors, que les seules autorités administratives et judiciaires compétentes au regard du risque d’éventuelles infractions à la loi pénale (diffamation ou injure à l’égard de la mémoire des morts, apologie des actes terroristes commis par l’OAS).
J’ai ajouté que la disparition récente de cette plaque, dévoilée par vos soins il y a huit mois, constituait un acte de profanation en même temps qu’une déclaration de guerre mémorielle de nature à remettre en cause ce pacte (virtuel et unilatéral, il est vrai !) de « non-agression ».
J’ai précisé que la remise en place, dans les heures précédant la cérémonie autour de la sépulture de Claude Piegts, d’une nouvelle plaque, identique à la première et scellée au même endroit (monument aux morts), serait la meilleure garantie pour la préservation de l’ordre public à l’intérieur et autour de ce site de recueillement trop longtemps érigé en théâtre d’opérations délictueuses par les anciens activistes de l’OAS et générateur par conséquent de polémiques et contestations.
J’ai signalé que, dans cette hypothèse d’une remise en état du monument aux morts, la présence de membres ou amis de mon association ne pouvait être exclue ne serait-ce que pour s’assurer que la commémoration de l’exécution de Claude Piegts ne tourne pas à l’éloge de ses forfaits […] »
17 septembre 2015 : Avec le concours de la Mairie de Paris et en l’auditorium de l’Hôtel de Ville, une séance de « Ciné Histoire » est consacrée à l’assassinat impuni de Château-Royal perpétré le 15 mars 1962 à Alger. Sont également évoquées la vie et la mort du service des Centres sociaux éducatifs en Algérie, créé à l’initiative de Mme Germaine Tillion. Interviennent notamment, outre Mme Nicole Dorra, présidente de l’association Ciné Histoire, M. Jacques Eloy, sociologue, président de « Mémoires Vives », M. Alain Ruscio, historien, auteur de « NOSTALGÉRIE » et M. Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons ».
6 octobre 2015 : Afin de marquer le quatrième anniversaire du dévoilement par le Maire de Paris, au cimetière du Père-Lachaise, de la première stèle dédiée par une institution publique à l’ensemble des victimes des crimes et attentats terroristes commis par l’OAS en Algérie et en France, les membres et amis de l’ANPROMEVO domiciliés dans l’agglomération parisienne ou s’y trouvant à la date de ce 6 octobre se réunissent à 11 h 30 pour un moment de recueillement autour de ce lieu de mémoire.
La cérémonie se déroule en présence d’une quarantaine de personnes, parmi lesquelles :
– M. Guy Darmanin, président national de la FNACA ;
– M. Robert Créange, ancien secrétaire général de la FNDIRP ;
– M. Jean Laurans, président de la FNACA de Paris ;
– M. Henri Pouillot, président du comité départemental des Yvelines de l’ARAC ;
– M. Jean-Philippe Ould Aoudia, président de l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » ;
– M. Guillaume Denoix de Saint Marc, porte-parole et directeur général de l’Association française des Victimes du Terrorisme ;
– M. Gilles Manceron, représentant la Ligue des droits de l’Homme ;
– M. Michel Levallois, préfet honoraire, président de la Société des Études saint-simoniennes ;
– Mme Michèle Decaster, secrétaire générale de l’Association française d’amitié et de solidarité avec les peuples d’Afrique ;
– M. Michel Reynaud, éditeur (Éditions Tirésias).
Le porte-drapeau national de la FNACA, M. Jacques Cazaux, par sa présence au côté de la stèle, incarne celle des quelque 325.000 adhérents de la fédération et leurs familles et confère à cet hommage une solennité particulière.
Le Président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS y prononce le discours dont les termes suivent :
« En guise de préambule, un grand merci, pour leur fidélité militante, aux représentants des associations ayant appelé, dès 2007, à l’édification de cette stèle : Association républicaine des anciens combattants ; Comité Vérité et Justice pour Charonne ; Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie ; Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes ; Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, Ligue des droits de l’Homme, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples.
Cette conception qui est nôtre de « la mémoire en action » est conforme à celle de la FNACA, dont j’accueille avec un réel plaisir le président national, M. Guy Darmanin, venu de Toulouse.
« Mesdames et Messieurs,
Pourquoi l’ANPROMEVO a-t-elle appelé ses adhérents, amis et correspondants à se réunir ici ce 6 octobre 2015 ?
Pour trois raisons, que je vais énumérer et expliciter brièvement.
C’est d’abord afin de fustiger une organisation idéologiquement criminelle et, dans ses actes, barbare, pour reprendre les paroles que M. Bertrand Delanoë, Maire de Paris, a prononcées ici-même, il y a tout juste quatre ans, avant de procéder au dévoilement de cette première stèle dédiée par une institution publique aux victimes de l’OAS.
Certes, l’OAS a subi tant l’anathème judiciaire dans les mois suivant sa création que la sentence de l’Histoire depuis lors : une sentence définitive, qu’aucune loi d’amnistie ni aucune mesure de grâce ne pourra effacer. Mais il se trouve encore des admirateurs inconditionnels de ceux qui, défiant la démocratie, se sont dressés contre l’autorité légitime d’un gouvernement légal et ont retourné contre la République les armes qui leur avaient été confiées : telle était l’OAS, et il ne faut ménager aucun effort pour le faire savoir, notamment aux plus jeunes de nos concitoyens.
C’est ensuite pour dénoncer les menées révisionnistes du lobby nostalgérique.
Certes, aux plus hauts niveaux de la justice tant administrative que pénale, les tentatives de réhabilitation politique de l’OAS, les actes de glorification visant ses anciens activistes, les initiatives de ceux d’entre eux qui ne cessent de réassassiner leurs victimes en en diffamant la mémoire ont été, ces temps derniers, sanctionnés plus efficacement que sous l’effet de la censure verbale. Mais il se trouve des élus pour continuer à faire publiquement l’éloge des responsables des forfaits inexpiables auxquels l’OAS s’est livrée : ces comportements, qui relèvent du détournement de pouvoir, doivent être combattus sans relâche en raison de leur perversité intrinsèque et de leur toxicité au regard de la cohésion sociale.
Si nous sommes ici réunis, c’est enfin et surtout pour imprimer plus profondément la marque du 6 octobre comme celle de l’hommage dû à l’ensemble des victimes, militaires et civiles, de l’OAS après leur mise à l’honneur ici-même il y a quatre ans, puis à Alençon le 6 octobre 2012, à nouveau autour de ce monument le 6 octobre 2013 et au Touvet, dans l’Isère, le 6 octobre 2014.
Oui, en effet, le principal objet de ce rassemblement auquel vous avez été conviés consiste en un hommage ritualisé autour de l’événement référent qu’a constitué l’inauguration de cette stèle le 6 octobre 2011 : un hommage citoyen, un hommage républicain et l’hommage de la vérité historique dont nous sommes conjointement redevables à l’égard de cette catégorie si particulière à la fois de victimes du terrorisme et de victimes de la guerre d’Algérie.
Ce mémorial au pied duquel, le 19 mars dernier, le préfet de police et le préfet de la région d’Ile-de-France se sont, pour la première fois, joints à la maire de Paris et aux représentants du monde combattant, FNACA en tête, accueille aujourd’hui une délégation de l’Association française des Victimes du Terrorisme : j’en salue le porte-parole et directeur général, M. Guillaume Denoix de Saint Marc, dont je sais la compassion solidaire à l’égard de Delphine Renard, ici présente.
À la fin de ce mois, le 31 octobre à 11 h 00, en préambule ou à l’issue d’une cérémonie à la mémoire de vingt jeunes soldats métropolitains, appelés du contingent, disparus dans les Abdellys à la veille de la Toussaint 1956, le Secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire auprès du ministre de la défense sera présent à l’endroit même où nous sommes : l’occasion de rappeler à M. Jean-Marc Todeschini, que, de journée inter-associative du souvenir, le 6 octobre doit devenir une journée officielle de recueillement aux termes d’une loi tendant à la reconnaissance par l’État et par la Nation des souffrances subies par l’ensemble des victimes des actes terroristes commis par l’Organisation armée secrète (OAS) ou en son nom, en Algérie et en France, depuis février 1961 jusqu’au-delà même de la fin de la guerre d’Algérie.
Pour le moment, je propose que nous fleurissions cette stèle, puis que nous observions une minute de silence EN HOMMAGE À TOUTES LES VICTIMES DE L’OAS EN ALGÉRIE ET EN FRANCE : CIVILS, MILITAIRES, ÉLUS, MAGISTRATS, FONCTIONNAIRES, DÉFENSEURS DES VALEURS ET DES INSTITUTIONS DE LA RÉPUBLIQUE.
J-P. Ould Aoudia, D. Renard, J-F. Gavoury, G. Darmanin
17 octobre 2015 : Invité l’après-midi aux travaux concluant l’assemblée générale de l’Association Nationale des Pieds Noirs Progressistes et de leurs Amis (ANPNPA), Jean-François Gavoury se joint en début de soirée à Mme Safia Hamoutène, vice-présidente de l’ANPROMEVO, et à M. Thierry Basset pour assister à la cérémonie grenobloise d’hommage à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la sanglante répression de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961 à Paris.
« Le Dauphiné libéré » rend compte de l’événement dans son édition du 19 octobre et annonce l’inauguration officielle, prévue le 17 octobre 2016, d’une plaque commémorative sur un site à définir.
31 octobre 2015 : Mme Catherine Vieu-Charier, Adjointe à la Maire de Paris, chargée de la Mémoire et du monde combattant, prononce au cimetière du Père Lachaise, à quelques pas de la stèle aux victimes de l’OAS, un discours qui tend à établir un pont mémoriel entre plusieurs de ces catégories de victimes de la guerre d’Algérie auxquelles la Ville de Paris s’attache, depuis près de quinze ans, à rendre hommage et honneur.
» […] C’était il y a 59 ans, et pourtant, les corps de ces soldats restent encore disparus aujourd’hui.
Le destin tragique de ces jeunes victimes de leur devoir est une effroyable illustration de ce que fut ce terrible conflit, cette « sale guerre », la guerre d’Algérie, qui n’en a pas fini de livrer toutes ses vérités.
En 1954, si ce n’est dès 1945, s’ouvre en effet un conflit qui ne dit pas encore son nom. Les appelés qui franchissent la Méditerranée partent avec le sentiment légitime du devoir à accomplir puisqu’il ne s’agit, officiellement, que d’une opération de « maintien de l’ordre » ou de « pacification ».
Très vite pourtant, une autre vérité se fait jour. Et au bout de huit années de guerre, ce sont au total 25.000 tués et 70.000 blessés civils et militaires du côté français, et des centaines de milliers du côté algérien.
Mais si chaque guerre a son lot de victimes civiles et militaires, chaque guerre a également, hélas, son lot de disparus, laissant les familles dans l’ignorance la plus complète de ce qui s’est passé, « dans un doute permanent qui les prive de la paix intérieure indispensable pour faire le deuil de celui qui n’est plus là » comme l’a écrit René Rouby, un ancien prisonnier du FLN.
Ce fut le sort tragique des vingt disparus des Abdellys. Ce fut le sort cruel des familles de ces soldats, qui sont présentes à nos côtés ce matin.
Si nous voulons construire et préserver les bases d’une relation sereine entre la France et l’Algérie, il est de notre devoir que cette histoire complexe et douloureuse soit racontée, connue. Il est de notre devoir d’honorer tous les morts et les disparus lors de ce double conflit, militaire et diplomatique, et de cette double guerre civile, entre communautés et à l’intérieur même des communautés. […]
Paris contribue à faire ce travail de mémoire indispensable, tant la guerre d’Algérie a, dans la capitale, une résonnance particulière.
Je pense bien sûr au monument à la mémoire des 752 militaires parisiens Morts pour la France en Afrique du Nord de 1952 à 1962, souhaité par Bertrand Delanoë dès le début de son mandat, et autour duquel nous nous réunissons tous les 19 mars, ici-même au Père-Lachaise, à l’occasion des cérémonies commémoratives des accords d’Évian et du cessez-le-feu.
Je pense à la plaque inaugurée en 2001 sur le pont Saint Michel, à la mémoire des nombreux Algériens tués lors de la répression policière de la manifestation pacifique du 17 octobre 1961.
Et je pense aussi à la place du 8 février 1962, dans le 11e arrondissement, et à la plaque commémorative à la station Charonne, en souvenir des neuf victimes de la répression sanglante d’une manifestation contre la guerre d’Algérie.
Et c’est au Père-Lachaise aujourd’hui que Paris accueille sur son sol la sépulture que ces vingt jeunes soldats français disparus et leurs familles méritent.
Et le choix de cette allée très particulière et mémorielle du cimetière n’est pas anodin. C’est un symbole fort.
Pour en prendre conscience, il suffit de prolonger le jardin du souvenir en face de nous, pour y trouver les stèles à la mémoire des victimes civiles disparues dans les catastrophes aériennes. Un peu plus loin, ce sont les nombreux monuments à la mémoire des victimes de la déportation, des camps de concentration et d’extermination. En contre-bas au bout de l’allée, c’est encore une autre séquence douloureuse de notre Histoire que nous nous remémorons avec le Mur des Fédérés.
Et puis, il y a cette parcelle de l’allée, dans laquelle nous nous trouvons, qui est dédiée aux victimes de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc avec la stèle en hommage aux victimes de l’OAS et le Monument à la mémoire des 752 militaires parisiens Morts pour la France en Afrique du Nord de 1952 à 1962. […]
Dans cette allée mémorielle du cimetière, toutes ces stèles, tous ces monuments sont de véritables veilleurs de pierre, qui rappellent aux visiteurs attentifs et aux passants distraits « que cela fut ».
Et il était tout aussi essentiel que le destin tragique et le souvenir de ces vingt jeunes victimes oubliées de la guerre d’Algérie nous deviennent enfin familiers.
Sans cette stèle, les jeunes disparus des Abdellys auraient été condamnés à disparaître une seconde fois, cette fois-ci de la mémoire collective.
Catherine Vieu-Charier
Ainsi, au confluent de l’histoire et de la mémoire, l’espace du cimetière du Père-Lachaise voué, depuis février 2003, à la célébration du souvenir des victimes de la guerre d’Algérie s’est enrichi une première fois, le 6 octobre 2011, d’une stèle aux victimes de l’OAS et, une seconde fois, le 31 octobre 2015, d’une stèle aux disparus des Abdellys. »
6 novembre 2015 : Chaleureusement accueilli à la séance de clôture du 46e congrès de la FNACA de Paris, Jean-François Gavoury est invité à prendre la parole. Il le fait en ces termes :
» Il est d’usage – voire de bon ton, ces temps-ci – de parler d’affaiblissement de l’autorité de l’État, voire d’impuissance publique.
Il est plus rare d’évoquer les mensonges d’État et a fortiori les crimes d’État.
L’histoire de la guerre d’Algérie, l’histoire de Paris fournissent des éléments de réflexion à cet égard : Mme Catherine Vieu-Charier en a cité deux illustrations samedi dernier (31-X-2015) avec le 17 octobre 1961 et le 8 février 1962.
Il y a cependant des exemples, aussi, de sursaut républicain : on l’a vu le 14 mars avec les déclarations respectives du Premier ministre et du porte-parole du Gouvernement au moment même où le maire de Béziers dévoilait une plaque au nom d’un officier putschiste après avoir déboulonné celle portant la date de l’entrée en vigueur des Accords de cessez-le-feu en Algérie.
On l’a vu plus récemment encore avec les instants de recueillement observés par M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État chargé des Anciens combattants et de la mémoire auprès du ministre de la défense, devant notre stèle aux victimes de l’OAS à l’issue – et un peu en marge – d’une cérémonie officielle dédiée, dans l’enceinte du cimetière du Père-Lachaise, aux vingt disparus des Abdellys.
Oui, la mémoire que la Ville de Paris est la première et parfois la seule à porter est une mémoire capitale.
Oui, M. le président départemental et MM les représentants de la direction nationale de la FNACA, vous incarnez une forme de mémoire institutionnelle au regard de la guerre d’Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie dans la mesure où la FNACA est la première institution mémorielle dédiée.
Vous êtes ici des Anciens combattants, mais je vous soumets une proposition, un défi : renouvelez votre engagement pour le maintien de vos acquis si fragiles, et je ne parle là que de ceux relatifs aux plaques et monuments commémoratifs.
Sachez que la stèle perpétuant, depuis le 6 octobre 2012, le souvenir d’Alfred Locussol à Alençon a été profanée pour la quatrième fois le week-end dernier. Sachez que celle érigée le 6 octobre 2014 au Touvet, en présence de nombreux responsables de la FNACA de l’Isère et de Grenoble, a été descellée du monument aux morts fin mai à la veille d’un rassemblement d’anciens activistes de l’OAS autour de la sépulture de l’un d’entre eux.
Le 2 novembre, à Marignane, un sénateur « Front national » des Bouches-du-Rhône a participé à une manifestation d’anciens criminels de l’OAS, et il l’a immédiatement revendiqué avec fierté sur son site Internet, à la manière d’un Ménard dont la justice ne parvient pas à faire cesser les provocations ni ne les sanctionne.
J’ai l’ambition de mettre un terme, fût-il provisoire, à ce parcours sans faute. Je vous tiendrai informés du résultat du recours engagé il y a près d’un an contre cette commune de Béziers : je le ferai en tant que président d’une association amie de la FNACA ; je le ferai en tant que membre de son comité du 15e arrondissement de Paris depuis le congrès national de Caen.
11 novembre 2015 : À propos de déclarations, les 8 et 9 novembre à Alger, du bâtonnier de Paris Pierre-Olivier Sur saluant le courage exceptionnel des avocats de l’OAS, le président de l’ANPROMEVO réagit par courriel en ces termes :
« Anecdotique ? Révélateur d’une tendance de fond à la réhabilitation de l’OAS ?
Le propos assumé du bâtonnier de Paris, rendant publiquement hommage non seulement aux avocats du FLN mais aussi à ceux de l’OAS, pose question.
Pas un mot pour les victimes des crimes et attentats commis au nom ou pour le compte de l’OAS et visant en particulier la profession des avocats (ex : Me Popie en 1961, puis son successeur, Me Pierre Garrigues, en 1962) ou la magistrature (ex : Charles Causse, vice-président du tribunal de grande instance d’Alger, assassiné le 6 janvier 1962).
Silence également sur le fait que les avocats de l’OAS (tels Me Jacques Isorni, Me Jean-Louis Tixier-Vignancour et Me Jean-Marc Varaut pour ne citer qu’eux) sont décédés, en ce qui les concerne, de mort naturelle à l’âge de quatre-vingts ans en moyenne.
Et que dire de l’affichage, dans l’enceinte d’une représentation diplomatique française en Algérie, d’une proximité personnelle avec l’un au moins des anciens avocats de l’OAS ?
Que soient ici remerciés les avocats qui, à Marseille et à Paris, se sont, depuis 2005, investis avec succès et gracieusement dans la défense des intérêts des victimes du terrorisme de l’OAS devant les cours et tribunaux administratifs et judiciaires !
24 décembre 2015 : Mise en ligne sur Wikipédia d’une page consacrée à l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, conformément à un vœu exprimé à l’occasion de la précédente assemblée générale, le 18 mars 2015.
28 décembre 2015 : Dans le cadre d’une série de cinq articles intitulée « Algérie française : les retours du refoulé », le site Mediapart en publie le premier volet, consacré à « La lente et insidieuse réhabilitation de l’OAS » et débutant comme suit :
« La réhabilitation a commencé à pas feutrés, dans les cimetières. Mais désormais, les noms des chefs de l’OAS, auteurs de crimes en Algérie et en métropole, trônent dans les centres-villes du littoral méditerranéen. Pourquoi les responsables politiques (de gauche comme de droite) du Sud-Est sont-ils aussi attentifs aux revendications des associations de rapatriés les plus nostalgiques de l’Algérie française ? Mediapart explore les manifestations de plus en plus prégnantes de ce retour de la guerre d’Algérie, au cœur de l’inconscient politique national. »
Plus loin, la parole est donnée à plusieurs reprises au président de l’ANPROMEVO :
« Que des hommages publics soient rendus à une organisation terroriste déroute, heurte, scandalise. « Imagine-t-on le choc que produiraient des hommages publics aux organisateurs des attentats du 13 novembre à Paris ? C’est pourtant de cela qu’il s’agit lorsque l’on rend hommage à l’OAS », explique Jean-François Gavoury, fils du commissaire de police Roger Gavoury assassiné à Alger le 31 mai 1961, et premier de la longue liste des fonctionnaires exécutés en tant que tels par l’OAS. Jean-François Gavoury a mené, avec l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS (Anpromevo) qu’il préside, de longues batailles juridiques contre ces hommages publics à l’organisation terroriste.
La plus longue fut conduite contre l’érection d’une stèle commémorant les quatre fusillés de l’OAS dans le cimetière de Marignane (Bouches-du-Rhône) en 2005 à l’initiative du maire (FN, puis divers droite) Daniel Simonpiéri. Avec l’association “Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons” (six fonctionnaires de l’Éducation nationale assassinés par l’OAS à Alger le 15 mars 1962), il obtient en 2008 le retrait de la stèle. Mais en 2010, la nouvelle municipalité de Marignane vote la réinstallation de la stèle, en y modifiant les inscriptions. En lieu et place des dates d’exécution des fusillés de l’OAS, figurent à présent, sur la stèle réinstallée le 11 mars 2012, quatre dates – 20 août 1955, 26 janvier 1960, 26 mars 1962 et 5 juillet 1962, marquées chacune par des morts de Français d’Algérie victimes du FLN ou de l’armée française – assorties de la mention « Aux combattants tombés pour que vive l’Algérie française ». « Le contentieux juridique n’est pas épuisé », précise Jean-François Gavoury, qui souligne qu’une procédure se poursuit devant la cour administrative d’appel de Marseille.
Ce « demi-succès », selon le terme de Gavoury, de la bataille menée contre la stèle érigée dans le cimetière de Marignane, n’a pas dissuadé l’association qu’il préside de poursuivre sa campagne contre tous les hommages publics à l’OAS. Gavoury se réjouit d’avoir obtenu, « après intervention du ministère des Affaires étrangères au plus haut niveau », l’interdiction d’une stèle en hommage aux quatre fusillés de l’OAS dans la petite commune espagnole de Polop (près d’Alicante, en Espagne), « dont le maire avait été abusé par l’argumentaire fallacieux des anciens de l’OAS », nombreux à s’être installés après 1962 dans l’Espagne franquiste.
Jean-François Gavoury a également introduit un recours devant le tribunal administratif contre la délibération de la nouvelle municipalité de Béziers, rebaptisant la rue du 19-Mars-1962 en rue du Commandant-Hélie-Denoix-de-Saint-Marc, du nom d’un officier ayant participé au putsch de 1961. […]
Le président de l’Anpromevo relève que les municipalités enclines à rebaptiser des voiries de noms polémiques évitent le plus souvent de publier sur Internet leurs délibérations, de manière à circonvenir les recours en justice, qui doivent se tenir dans les deux mois suivant la délibération municipale. Dernier exemple en date : la commune de Saint-Leu-la-Forêt (Val-d’Oise), qui a discrètement baptisé une rue du nom d’Hélie-Denoix-de-Saint-Marc. »
[1] (décédé le 7 janvier 2016, à l’âge de 81 ans).