Compte rendu de la cérémonie du souvenir
des victimes de l’OAS
organisée au cimetière parisien du Père-Lachaise
le 6 octobre 2017
Le 6 octobre 2011, le maire de Paris, M. Bertrand Delanoë, dévoilait, au cimetière du Père-Lachaise, une stèle dédiée à l’ensemble des victimes de l’OAS en Algérie et en France.
Cet hommage s’inscrivait dans l’action de mémoire collective menée depuis 2001 par la Ville de Paris autour de la guerre d’Algérie et des conflits coloniaux en Afrique du Nord, avec, notamment, l’édification dans ce même cimetière du Père-Lachaise d’un mémorial célébrant le souvenir des 750 Parisiens morts pour la France en AFN, les plaques honorant les victimes des répressions du 17 octobre 1961 sur le pont Saint-Michel et du 8 février 1962 au Métro Charonne (sans compter le monument inauguré le 11 novembre 1996, dans le parc de la Butte du Chapeau Rouge, près du boulevard d’Algérie, à la mémoire des Harkis, de leurs familles et des victimes civiles de la guerre d’Algérie).
Depuis lors, à Paris comme en province – Alençon (Orne) en 2012, Le Touvet (Isère) en 2014 -, chaque journée du 6 octobre est l’occasion d’une cérémonie destinée à commémorer cet événement qui a marqué l’histoire des victimes de la guerre d’Algérie : en effet, celles de l’OAS avaient été, jusqu’alors, les seules collectivement privées de la considération qui leur était due par les pouvoirs publics, au premier rang desquels l’État lui-même.
De manière à renforcer l’ancrage de la date du 6 octobre dans le calendrier des manifestations d’associations d’anciens combattants et victimes de guerre, les membres d’honneur et adhérents de Paris et d’Île-de-France de l’ANPROMEVO ainsi que les correspondants et amis de l’association étaient invités à se réunir au cimetière du Père-Lachaise le vendredi 6 octobre 2017 à 11 h 00.
Avant le dépôt des gerbes de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, du Comité Vérité et Justice pour Charonne et de l’ANPROMEVO, plusieurs prises de parole ont eu lieu : celles de Jean-Philippe Ould Aoudia et de Michel Lambart – dont la teneur est reproduite ci-après – et celle aussi de Henri Cukiermann, qui s’est attaché à souligner ce qui distingue, au sens mélioratif du terme, et ce qui unit les victimes de l’OAS et celles du 8 février 1962 à Charonne.
À l’issue de la minute de silence, Jean-François Gavoury a adressé ses remerciements à la quarantaine de participants, se félicitant de la représentation, pour la deuxième année consécutive, de l’Office national des Anciens combattants, dans laquelle il a vu le signe d’une orientation positive. Il a également tenu à exprimer sa sympathie à l’égard de Mme Huguette Azavant et de M. Michel Levallois, que leur état de santé a privé de la possibilité de prendre part à cet événement, attirant l’attention sur l’importance de la lutte pour la vie au regard de la continuité du combat pour la mémoire des morts.
Outre la présence des personnes dont le nom – ou la qualité – est cité dans les interventions de MM. Ould Aoudia et Lambart (cf. infra), à noter celle, au titre de la Ligue des droits de l’Homme, de M. Gilles Manceron, fidèle à ce rendez-vous parisien du 6 octobre, et celle aussi de l’un des membres de l’association4ACG (Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre).
Parmi les personnalités empêchées et excusées, Mme Delphine Renard ainsi que MM. Robert Créange, Pierre Daum, Daniel Kupferstein, Jean-Pierre Louvel, Georges Morin et Alain Ruscio.
Intervention de Jean-Philippe Ould Aoudia au nom de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons
Merci, Mesdames et Messieurs, mes chers amis, d’avoir bien voulu répondre à l’invitation de l’ANPROMEVO et de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons pour témoigner, en ce haut-lieu du souvenir, votre attachement aux principes et aux valeurs qu’incarnaient celles et ceux que nous honorons.
Je remercie particulièrement :
– Monsieur André Rakoto, directeur de l’ONAC de Paris, représentant Mme Rose-Marie Antoine, directrice générale de l’Office national des Anciens combattants et Victimes de guerre ;
– Monsieur Henri Cukiermann, président du Comité Vérité et Justice pour Charonne ;
– Monsieur Serge Drouot, président national de la commission Mémoire-Histoire de la FNACA ;
– Monsieur Jean Laurans, président départemental de la FNACA de Paris ;
– Monsieur le porte-drapeau national de la FNACA ;
– Monsieur le porte-drapeau de la FNACA de Paris-13e.
Le 6 octobre 2011, le maire de Paris M. Bertrand Delanoë, exprimait ici sa fierté que Paris, capitale de la France, soit la première commune, la première institution française, à honorer le souvenir de l’ensemble des victimes du terrorisme de l’OAS, en Algérie et en France, en élevant un mémorial devant lequel nous nous trouvons réunis en ce sixième anniversaire.
Notre présence renouvelée est un hommage citoyen et un hommage républicain, désormais inscrits dans le calendrier mémoriel par référence à l’inauguration de cette stèle par le maire de Paris.
C’est un lieu d’histoire, pour dire quelles sont les victimes et quelles sont les forces du Mal, toujours à l’œuvre et qu’il faut perpétuellement combattre.
Cette stèle participe à l’écriture d’une mémoire collective face à la promotion dont sont l’objet la colonisation et ses jusqu’au-boutistes de l’Algérie française.
Ce monument est une incitation, pour les jeunes générations, à l’apprentissage de la guerre d’Algérie à travers la page franco-française du conflit, la plus douloureuse et la plus sombre.
De guerre, il n’en est pas de juste, mais la guerre civile, c’est l’horreur ajoutée à la fureur.
Notre présence exprime aussi la volonté de nous opposer à la réhabilitation d’un syndicat du crime, l’OAS, qualifiée par le maire de Paris d’idéologiquement criminelle et barbare dans ses actes.
Barbare dans ses actes.
Le passé français en Algérie demeure toujours présent en France. Le 14 février 2017, le candidat à la présidence de la République Emmanuel Macron déclarait : « La colonisation c’est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face… »
Notre présence, chaque 6 octobre, doit être un moment d’amitié entre l’Algérie et la France, en mettant à l’honneur des hommes et des femmes qui ont été soumis, sur les deux rives de la Méditerranée, à la violence de terroristes pour qui la vie humaine était sans valeur.
Au nom de l’association Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons, une gerbe sera déposée au pied de la stèle, suivie d’une minute de silence.
Mesdames, Messieurs, chers amis, je vous remercie.
Allocution de Michel LAMBART Membre de l’ANPROMEVO
Monsieur le sénateur de Paris Pierre Laurent, qu’une superbe gerbe représente ici ;
Monsieur le directeur départemental, représentant la directrice générale de l’Office national des Anciens combattants et Victimes de guerre ;
Mesdames, Messieurs les Présidents d’associations amies, présents, représentés ou excusés :
– Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons,
– Fédération nationale des Anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA),
– Association républicaine des Anciens combattants,
– Fédération nationale des déportés et internés, résistants et patriotes,
– Comité Vérité et Justice pour Charonne,
– Coup de Soleil,
– Ligue des droits de l’Homme,
– Espace parisien Histoire et Mémoire Guerre d’Algérie,
– Mouvement contre le racisme et l’amitié entre les peuples ;
Mesdames, Messieurs, chers amis,
Le Président de l’Association nationale pour la protection de la mémoire des victimes de l’OAS, notre très cher Jean-François Gavoury, risquant de se trouver dans l’impossibilité de participer à la commémoration de ce jour mais heureusement présent parmi nous, m’a chargé de porter la parole de l’ANPROMEVO.
Le jeudi 6 octobre 2011, il y a six années aujourd’hui, à la même heure, Bertrand Delanoë, maire de Paris, répondait à notre volonté et dévoilait cette stèle :
Pour la première fois, depuis bientôt cinquante ans, l’origine des criminels éclatait au grand jour.
Dix ans auparavant, le 12 décembre 2001, la plaque commémorative à la mémoire des six Inspecteurs de l’Éducation nationale dans les Centres sociaux éducatifs créés par Germaine Tillion, assassinés par l’OAS à Alger le 15 mars 1962 – Marcel Basset, Robert Eymard, Mouloud Feraoun, Ali Hammoutène, Max Marchand, Salah Ould Aoudia – inaugurée par le ministre de l’Éducation nationale Jack Lang, demeurait muette.
Le président de l’association qui porte leurs noms, Jean-Philippe Ould Aoudia, écrivait dans Le Lien, le 11 novembre 2011 : « Je fus contraint d’accepter que le nom des assassins soit tu ».
Le 6 octobre 2011, Jean-François Gavoury déclarait : « Oui, le 6 octobre 2011 marquera une étape déterminante vers la reconnaissance par la Nation des souffrances endurées par les victimes de l’OAS. Rien n’aurait été possible sans l’écoute de la ville capitale dont il convient de saluer, avec respect et gratitude, le Maire et son adjointe en charge de la mémoire ainsi que l’ensemble des élus et des services. »
Nous constatons, hélas, que les auteurs des actes barbares de l’OAS et leurs suiveurs continuent, sans désemparer, leurs attaques scélérates, et nous éprouvons d’énormes difficultés dans nos actions récursoires.
Mars 2016, c’était dans la revue Ensemble de l’Association culturelle d’éducation populaire, l’apologie des crimes de Gabriel (dit Gaby) Anglade, à l’occasion de ses obsèques. Le président, Fred Artz, écrit : « En mars 1962, il neutralisera six fonctionnaires dont Max Marchand, suppôt notoire du FLN et auxiliaire de l’administration gaulliste, qui, avec quelques autres indicateurs, signalait aux terroristes FLN les victimes européennes qu’il convenait d’éliminer. Gaby sera volontaire pour tenter de libérer Roger Degueldre et aussi pour attenter à la vie du président Charles de Gaulle… »
Décembre 2016, nouvelle charge, contre Jean-François Gavoury, dans Les actualités de l’Algérianiste au sujet de la substitution par Robert Ménard, maire de Béziers, au nom de la rue du 19-Mars-1962, de celui de rue Commandant Denoix de Saint Marc, officier putschiste. Thierry Rolando, président du Cercle algérianiste, fustige les manifestants de la honte à Béziers le 14 mars 2015, c’est-àdire ceux qui, comme Jean-François Gavoury, Jean-Philippe Ould Aoudia, vinrent s’opposer à cette décision. Il déclare « … plusieurs d’entre eux dont l’éternel Jean-François Gavoury qui, condamnant les actions de 1’OAS, se garde bien de condamner les crimes du FLN. Le tribunal administratif de Montpellier a rejeté le 8 novembre dernier (2016) leurs prétentions. Nous nous en réjouissons. »
Qu’un maire change le nom d’une rue porteur de paix par celui d’un officier aux ordres d’un pouvoir insurrectionnel ne nous réjouit pas. Denoix de Saint Marc se soumit et passa sa première nuit à la prison de la Santé le 26 avril 1961. Un mois plus tard, le 31 mai, Roger Gavoury, commissaire divisionnaire d’Alger, était assassiné par un commando de l’OAS : parmi ses membres, Albert Dovecar et Claude Piegts.
Rappelons que Jean-François Gavoury déposa le 30 décembre 2014 un mémoire introductif d’instance afin que soit annulée la délibération du conseil municipal de la commune de Béziers en date du 11 décembre 2014 portant changement de dénomination de voie.
Juin 2017 – Les actualités de l’Algérianiste incriminent une institution de la République, le Musée national de l’Éducation, où est présentée, depuis le 8 avril 2017 et jusqu’au 2 avril 2018, une importante exposition « L’École en Algérie, l’Algérie à l’École de 1830 à nos jours », à laquelle nous avons participé.
L’Algérianiste titre « une exposition qui interpelle », puis s’interroge « sur le parti pris idéologique de cette exposition » et relève, parmi les collaborateurs, « L’inévitable Benjamin Stora, Georges Morin de 1’association pied-noire pro-FLN Coup de Soleil, Marc Ferro et Pierre Nora, historiens, favorables à l’indépendance de l’Algérie … en quelque sorte, le règne de la pensée unique. »
Pourtant, cette exposition se montre exhaustive. Dans la partie consacrée à des figures d’enseignants, nous trouvons le recteur Laurent Capdecomme, qui défendit courageusement les Centres sociaux éducatifs devant le tribunal d’Alger lors du procès dit des Barricades, où le colonel Gardes les traita de « pourriture » ; Mouloud Feraoun « Où mènent les Chemins qui montent ? » ; Max Marchand « Penser l’Algérie et la France ». Jean-Robert Henry, directeur de recherche honoraire au CNRS, précise dans le livre-catalogue : « Le 15 mars 1962, quatre jours avant le cessez-le-feu, un commando de l’OAS exécutait à Ben Aknoun, au siège des Centres sociaux éducatifs, six de leurs Inspecteurs, dont Mouloud Feraoun et Max Marchand. Dans un contexte de violence aveugle, ces morts prenaient une signification particulière : les criminels visaient clairement leur implication active dans ces structures destinées à promouvoir l’éducation de base d’une jeunesse algérienne non scolarisée. […] En 1962, la politique de la terre brûlée menée par l’OAS touche l’appareil éducatif : l’exemple le plus symbolique est l’incendie de la bibliothèque universitaire d’Alger. »
Est-ce un parti pris idéologique que de relater les forfaits de ceux qui n’ont toujours pas mauvaise conscience ? Et, comme le soulignait Bertrand Delanoë : « Est-ce si dur ? Est-ce si dur d’être humble et courageux vis-à-vis de la vérité ? ».
Bertrand Delanoë eut le courage d’affirmer : « L’OAS, c’est une organisation terroriste, une organisation criminelle, c’est une organisation qui a voulu détruire la République. », ce que ne fit aucun responsable des institutions de l’État. Pourtant, l’OAS n’hésita pas à attenter à la vie du Président de la République, le général de Gaulle. Il fallut attendre trente-sept années pour que le Gouvernement français reconnaisse que les opérations de maintien de l’ordre ou de pacification couvraient, en réalité, une guerre. À la fin de cette guerre franco-algérienne et algéro-algérienne, il y eut une guerre franco-française menée par l’OAS dont la finalité, au nom de l’Algérie française, était d’abattre la République.
Pensons à deux amis qui nous ont récemment quittés :
– le 17 février, un hommage était rendu à Lucien Bitterlin au funérarium des Batignolles. Lucien Bitterlin, responsable du Mouvement pour la Coopération, mit sur pied une police parallèle afin de soutenir le général de Gaulle dans la lutte contre l’OAS. I1 échappa à plusieurs mitraillages et attentats et perdit la majorité de ses hommes. Dans l’établissement du dossier des victimes de 1’OAS, Jean-François Gavoury dresse la liste des contractuels de la lutte anti-OAS, assassinés par l’OAS, d’après les documents de Lucien Bitterlin.
– le 28 août, François Nadiras, de la Ligue des droits de l’Homme à Toulon, fut, comme le déclare Jean-François Gavoury, une « vigilante sentinelle de la République à qui l’ANPROMEVO doit d’être née, d’avoir pu développer son action et d’avoir vu croître son audience. »
Le 6 octobre 2011, Jean-François Gavoury remerciait ainsi Bertrand Delanoë : « Monsieur le Maire de Paris, c’est un vrai moment de lumière que vous nous donnez à connaître en mettant à l’honneur des hommes et des femmes soumis à la barbarie de ce terrorisme dont l’image hideuse doit nous encourager à repousser toute forme de résurgence. »
Afin de repousser toute forme de résurgence, demeurons vigilants au quotidien : notre présence devant cette stèle en ce cimetière du Père Lachaise, haut lieu de tous les combats des hommes libres, l’atteste.
Le 6 octobre doit devenir la Journée officielle de recueillement et du souvenir des victimes de l’OAS.
Avec Jean-François Gavoury et Jean-Philippe Ould Aoudia, retrouvons-nous ici, encore plus nombreux, lundi 19 mars et samedi 6 octobre 2018.
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