prononcés à Alençon le mercredi 4 janvier à 11h

Il est un culte que certains services publics de l’État pratiquent, celui de la mémoire de leurs anciens : c’est leur liberté ; c’est aussi et surtout leur honneur.
Ayant appartenu au ministère de l’intérieur, j’ai été et reste le témoin de ces manifestations du souvenir au rituel sobre ou solennel selon le cas, mais toujours à forte valeur de transmission.
C’est peut-être un peu moins vrai pour des administrations telles que l’Enregistrement, dont la dénomination même s’est effacée en même temps que la mémoire de ceux qui en ont été les fonctionnaires et agents.
Sachons gré, par conséquent, au député-maire d’Alençon d’avoir su rendre hommage au souvenir de Monsieur Alfred Locussol qui, venu d’Algérie pour occuper ici le poste de sous-directeur de l’Enregistrement, a trouvé la mort dans la maison qu’il occupait avenue Wilson : la mort commanditée depuis Alger par un syndicat du crime, l’OAS, dont l’ANPROMEVO doit non seulement soutenir les victimes mais également combattre l’apologie.

Pour notre association, avec 2017, la page se tourne d’une année, d’un quinquennat, d’une décennie, d’une année 2016 au cours de laquelle nous avons reçu plusieurs marques de reconnaissance, par exemple :

  • avec la présence au côté de la maire de Paris, le 19 mars – jour anniversaire de l’entrée en vigueur du cessez-le feu en Algérie et jour aussi, désormais, de commémoration nationale – du préfet de la région d’Ile-de-France et du préfet de police devant la stèle érigée par la Ville capitale à l’intérieur du cimetière du Père Lachaise en hommage à l’ensemble des victimes de l’OAS en Algérie et en France ;

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  • avec la représentation de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre devant cette même stèle le 6 octobre lors de notre rassemblement annuel pour le souvenir des victimes de ce terrorisme  radical incarné par l’OAS ;
  • avec, entre-temps, le 19 septembre, une réponse porteuse d’espoir, émanant de la Présidence de la République, quant aux possibilités d’inscription du nom d’un certain nombre de ces victimes sur les colonnes du Mémorial national de la guerre d’Algérie quai Branly à Paris ;
  • avec l’honneur fait à l’association, le 9 novembre, à travers la remise à son président par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, des insignes d’officier de l’ordre national du Mérite.

avec l’honneur fait à l’association, le 9 novembre, à travers la remise à son président par le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve, des insignes d’officier de l’ordre national du Mérite

Rappelons à cette occasion que, si l’ANPROMEVO a vu son action ainsi récompensée, c’est probablement parce qu’elle se distingue de certains groupes porteurs de mémoire : loin de chercher à alimenter le souvenir conflictuel de la guerre d’Algérie, elle a participé au réveil des consciences sur les seuls oubliés de l’histoire de cette guerre, les victimes de l’OAS.

D’un quinquennat marqué :

  • par le dévoilement ici même, le 6 octobre 2012, d’une stèle destinée à célébrer le souvenir d’une victime de l’OAS nommément désignée ;

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  • par la publication au Journal officiel du 30 mars 2014 d’une décision ministérielle faisant de l’ANPROMEVO la cinquantième association d’anciens combattants et victimes de guerre inscrite au registre de l’Office national des anciens combattants répertoriant l’ensemble des associations habilitées à ester en justice ;
  • par la mise en place, le 6 octobre de cette même année 2014, au Touvet (dans le département de l’Isère), d’une plaque commémorant les victimes des actes terroristes commis par l’OAS ;
  • par la présence de M. Jean-Marc Todeschini, secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire auprès du ministre de la défense, pour une minute de recueillement devant la stèle aux victimes de l’OAS le 31 octobre 2015 au cimetière du Père-Lachaise ;

d’une décennie d’existence marquée :

  • par le développement, depuis la création de l’ANPROMEVO le 7 avril 2006, de liens fraternels avec l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs Compagnons » en tout premier lieu, puis avec la Fédération nationale des Anciens combattants d’Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), dont je salue ici le président national, Guy Darmanin, et le président du comité parisien, Jean Laurans ;
  • par l’opposition, tant sur le terrain que devant les cours et tribunaux, aux initiatives de certaines communes tendant à héroïser des membres de l’OAS condamnés à mort et exécutés en leur dressant des mausolées sur le domaine public ;
  • par la dénonciation des courants révisionnistes ayant inspiré la politique de mémoire mise en œuvre de 2005 à 2012 aux plus hauts niveaux des institutions en charge du monde combattant ;
  • par des colloques, en particulier celui sur le thème « Sortir de la guerre d’Algérie, regards croisés, regards apaisés » organisé les 17 et 18 mars 2012 à Évian, cinquante ans jour pour jour après la signature, localement, des Accords de cessez-le-feu et marqué par la participation de Jean-Pierre Chevènement ;
  • par la parution de nombreux ouvrages, historiques ou de témoignage, écrits par des victimes survivantes ainsi que par des descendants et amis de victimes de l’OAS ;
  • par la réalisation d’un film-documentaire de Djamel Zaoui intitulé « OAS, un passé très présent », qui, en 2007, rend compte par l’image de ces démonstrations massives de valorisation du terrorisme de l’OAS telles que signalées en 2006 dans La bataille de Marignane[1].*

Ici aussi, à Alençon, se livre une bataille qui a à voir avec celles que la ville a connues il y a près d’un siècle et demi et, plus récemment, en 1944. Elle a trait, en effet, à la défense des valeurs de la République, ces valeurs que s’emploient à bafouer, ici même, non pas d’anciens desperados de l’Algérie française, mais d’authentiques terroristes.
Quel autre mot, en effet, pour qualifier la bande organisée – ou l’auteur isolé – en récidive de profanation d’une stèle mentionnant la date d’un crime, le nom de la victime et celui de la structure instigatrice ?
C’est Alfred Locussol qu’on a assassiné et qu’on réassassine en cette commune d’Alençon, et dont la destinée invite à une réflexion collective sur la guerre d’Algérie, une guerre qui s’est suffi à elle-même et qu’il n’est nul besoin de perpétuer sur le terrain de la mémoire : pluralité et antagonisme des mémoires certes, ne serait-ce qu’au regard de la diversité des acteurs de cette guerre qui a par ailleurs tant tardé à se reconnaître pour telle ; mais, de grâce, considération à l’égard de l’une des souffrances trop longtemps obturées que cette maudite guerre d’Algérie a engendrées.
Alfred Locussol et ceux qui, à Alençon, portent sa mémoire tracent la voie pour des associations telles que l’ANPROMEVO, ayant vocation à faire œuvre de transmission, sans esprit belliqueux, mais avec la volonté d’une reconnaissance, des deux côtés de la Méditerranée, des souffrances subies par l’ensemble des victimes des crimes de guerre et attentats terroristes commis par l’OAS ou en son nom, en Algérie et en France, de 1961 à 1962. S’il apparaît qu’un partenariat mémoriel entre les deux pays, entre les deux peuples, peut y aider, alors, aucun effort ne devra être ménagé pour s’inscrire dans cette démarche.
De l’ambition pour 2017, tel est le mot d’ordre autour duquel je souhaite voir les adhérents et amis de l’association se retrouver et s’engager.

Jean-François Gavoury – 4 janvier 2017 – Alençon (avenue Wilson)

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4 janvier 2017 – Alençon (avenue Wilson)

[1] de Jean-Philippe Ould Aoudia (préface de Pierre Joxe – Éditions Tirésias, février 2006).

 

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