Communication de Jean-François Gavoury au lendemain de l’audience de la Ve Chambre du tribunal administratif de Montpellier en date du 18 octobre 2016 relative au changement de dénomination de la rue du 19-Mars-1962 à Béziers
Invoquant le défaut d’intérêt à agir, le rapporteur public a conclu à l’irrecevabilité en la forme des requêtes présentées : la mienne l’avait été dans les trois semaines suivant la délibération du conseil municipal du 11 décembre 2014 ayant décidé de l’attribution à cette voie du nom du commandant Hélie Denoix de Saint Marc ; l’autre a été formée dans un second temps au nom de plusieurs co-requérants (en particulier l’association « Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et leurs Compagnons ») représentés par avocat.
Sur le fond, en revanche, le rapporteur public a bien voulu souligner l’illégalité de la délibération en tant qu’elle est de nature politique, dépourvue de tout lien avec la poursuite d’un intérêt local et génératrice de troubles à l’ordre public.
Vous trouverez ci-après la retranscription de mes observations orales dans cette affaire, laquelle est mise en délibéré. Suit le compte rendu de l’audience tel que publié dans l’édition de Béziers du quotidien régional Midi Libre.
Puisse l’un au moins des requérants voir son intérêt à agir reconnu par la formation de jugement.
« Madame la Présidente,
Madame et Monsieur les conseillers,
Je serai bref, le temps de remettre en perspective quelques points développés dans ma requête introductive d’instance, puis dans mon mémoire en réplique.
La notion d’intérêt à agir n’est pas simple, mais dans cette affaire sa réalité apparaît double.
Double comme la détente sur laquelle le maire de Béziers a appuyé pour abattre le cessez-le-feu en Algérie et tenter d’assassiner la mémoire des victimes de l’OAS en général, celle de mon père singulièrement.
Double intérêt : au regard de l’effacement de la rue du 19-Mars-1962 du paysage biterrois d’une part et de la conversion de sa dénomination en « Commandant Denoix de Saint Marc » d’autre part.
Dois-je rappeler que, le 8 novembre 2012, un sénateur – rien de moins – a cité mon père et m’a rendu hommage en séance dans le cadre des débats précédant le vote sur la proposition de loi faisant du 19 mars une journée de commémoration nationale ? Et je n’aurais ni intérêt ni qualité à faire valoir contre quelque commune de France éliminant le 19 mars 1962 du répertoire de ses rues ? Serait-on un sous-citoyen dès lors qu’on n’est pas Français de souche biterroise ?
Quant à l’inscription du nom du commandant Denoix de Saint Marc, de quoi la commune me fait-elle grief ? De m’en prendre non pas aux lieutenant et sergent déserteurs assassins de mon père mais à l’un de leurs chefs les ayant précipités dans l’aventure du putsch sans jamais exprimer la moindre compassion à l’égard des victimes de ces sicaires ? Est-il possible de concevoir que, si le commandant de Saint Marc n’avait pas mis son régiment au service d’un pronunciamiento, mon père aurait pu poursuivre sa carrière en métropole ? Le patron de la sécurité publique dans le Grand Alger, chargé de la lutte anti-OAS, n’aurait-il pas eu à s’impliquer dans la mise à la disposition de la justice des auteurs du putsch du 21 avril 1961, le putsch dit « des généraux » qui a été celui, aussi, du commandant Denoix de Saint Marc ?
Puisqu’il est ici question à la fois d’intérêt et de défaut d’intérêt à agir, je souhaite conclure sur un élément selon moi édifiant. Certains membres de la famille Denoix de Saint Marc, et non des moindres (Renaud, ancien vice-président du Conseil d’État, honoré ici-même ; Guillaume, directeur général de l’Association française des victimes du terrorisme, n’ont pas éprouvé le moindre intérêt à agir au côté du maire de Béziers et ont fait défaut lors de la cérémonie de dévoilement, le 14 mars 2015, de la plaque en litige.
Je crois savoir qu’ils y ont vu un acte d’instrumentalisation du souvenir de leur parent.
Moi aussi. »
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